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3° SEMINAIRE INTERNATIONAL DU VATICAN
Promouvoir le dialogue inter-religieux et inter-culturel par Francis Kammogne

        Francis Kammogne est le coordinateur national du Centre Sportif Camerounais.

Vous me permettrez dans le cadre de cette table ronde de m’étendre sur des cas pratiques notamment sur le Centre Sportif Camerounais en abrégé le CSC et la récente Coupe du Monde Inter Campus  qui s’est déroulée ici même en Italie. Ce choix délibéré est sous – tendu par le désir d’avoir un bon angle d’attaque pour examiner la problématique qui   nous est proposée, celle de la promotion du dialogue interreligieux et interculturel par le biais de la pratique sportive. Nous utiliserons  volontiers les dénominations de sport ou d’activité physique et sportive (APS) pour parler de la même réalité. 

 En effet il convient de rappeler  que le concept de sport ne signifie pas la même chose pour tout le monde. Il draine avec lui des connotations ambiguës dans ses multiples aspects, formes et catégories de pratiques, même si la confrontation de ses différentes définitions montre qu’elles se recoupent néanmoins en certains points tels que l’effort physique, l’épreuve, la fonction ludique, la compétition, la performance, l’institutionnalisation et le caractère aliénant dans la mesure où le sport de haut niveau est une véritable robotisation de l’être humain. Par contre la pratique de APS telle que prônée dans les textes organiques du CSC embrasse tour à tour le sport d’élite ou la formation des meilleurs (cas des moins de treize ans au tournois mondial Inter campus) du sport de maintient (pour les adultes) du sport pour populations spéciales (personnes du 3èmes âge) et les jeux sportifs traditionnels. Il s’agit donc dans le CSC de promouvoir une pratique sportive teintée d’humanisme et de bienfaisance au niveau de ses adeptes. La pratique des APS doit être au service de l’homme et de tout l’homme en développant ses potentialités et en améliorant ses rapports avec ses semblables à l’instar du dialogue inter- religieux et inter - culturel qui fait l’objet de notre exposé et dont notre ambition est d’élucider dans une double démarche dans le développement qui va suivre.

I - LA PROMOTION DU DIALOGUE INTER- RELIGIEUX ET INTER-CULTUREL : une réalité du CSC. 

Loin de nous, l’idée de faire ici une apologie du CSC. La volonté qui nous habite est de présenter quelques éléments  patents de  terrain qui illustre le fait que la pratique sportive peut servir de véritable levain au dialogue inter- religieux et inter- culturel.

         C’est un fait indéniable que de dire que les activités physiques, et sportives sont considérées comme des éléments culturels les plus puissants du monde contemporain. Au surplus, les activités physiques et sportives sont tributaires de toutes les formes concrètes de la réalité quotidienne comme l’a relevé Marcel  MAUSS : le sport intègre «  des comportements, des rites, des représentations, des normes, des valeurs qui sont d’ordre économique éthique, esthétique, pédagogique et politique » et si le véritable sport peut véhiculer  toutes ces valeurs, il est donc permis de penser que grâce à sa force mobilisatrice, il peut rassembler des individus de diverses obédiences qui a la longue vont finir par se comprendre, par s’accepter et vivre ce qu’on a coutume d’appeler l’expérience de « l’être avec ». L’une des fonctions fondamentales des activités physiques et sportives est le développement des relations interpersonnelles avec comme corolaire l’amélioration de la communication entre les membres.

Le CSC à travers le sport poursuit cette finalité en mobilisant et en rassemblant toutes les couches sociales pour des tâches d’éducation et en vue des actions de développement. Tout le brassage entre les jeunes, entre les adultes aboutit inévitablement à une nouvelle vision des choses, à une nouvelle perception des rapports avec les autres. Illustrons  cela en développant deux exemples :

1.    le Cameroun compte plus de 300 ethnies et tribus qui parlent plus de 400 langues nationales ou vernaculaires et deux langues étrangères officielles que sont le français et l’anglais. A cause de la colonisation, le pays est divisé comme en Belgique en deux groupes linguistiques parfois antagonistes : les Francophones et les Anglophones.

Les grands pratiquants religieux sont : les chrétiens catholiques, les chrétiens protestants, les chrétiens des églises dites réveillées, les musulmans et les animistes.

         Dans ce contexte multiculturel et multi religieux particulier, le sport joue un rôle d’unité et d’intégration nationale des Camerounais.

En 1990 alors que tout le pays était en pleine explosion à cause de diverses tensions politiques et ethniques sous-jacentes, c’est la meilleure participation du Cameroun à la coupe du monde de football en  Italie qui a sauvé le pays du chaos. Depuis lors le Sport en général et le football en particulier reste l’unique socle, l’unique fondation solide  de la  Nation Camerounaise  encore  en construction. 

         Le CSC qui est né grâce à une volonté du Centre Sportif Italien (CSI), de la Conférence Episcopale Italienne (CEI), et du Centro Orientamento Educativo (COE) mène des actions multiformes auprès   de plus  de 3000 membres. En organisant des activités sportives, des activités culturelles, sociales et religieuses, ses adhérents y participent sans discrimination de classes sociales de tribus et encore moins de religions.

          De même des campagnes d’éducation citoyenne et populaire sur le «  Vivre ensemble » sont organisées par le projet  Mobilisation pour l’Education Citoyenne à travers l’Animation Sportive (MECAS) pour des personnes présentant des différences ethniques et religieuses.  A travers des activités socioculturelles, les jeunes peuvent comprendre que le dialogue interreligieux et interculturel débute par l’acceptation mutuelle, la compréhension mutuelle, la tolérance et que nos différences ne sont nécessairement pas une cause de division, mais au contraire une merveilleuse occasion de s’enrichir les uns les autres.

2.    La délégation du Cameroun à la Coupe du Monde Inter Campus des moins de 13 ans qui s’est déroulée à FIRENZE (Italie) du 19 au 28 septembre 2009 était composée de 17 personnes dont 4 musulmans, 5 chrétiens protestants, 7 chrétiens catholiques, et 1 agnostique. Toutes ces personnes ont participé volontairement aux  deux messes dominicales organisées à l’intension des délégations aux Jeux qui pour la plus part ont brillé par leur absence. A côté de ces messes, tous les membres de l’équipe Camerounaise prenaient part aux séances de prières matinales dirigées à tour de rôle par l’un des enfants du groupe ; comme le dit Monseigneur  CHIDI DENIS ISIZOH du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, en Afrique la religion «  n’est pas une chose à part, séparée des autres activités de l’existence, c’est un style de vie ».

II - LA PROMOTION DU DIALOGUE INTER RELIGIEUX ET INTERCULTUREL :

Une expérience porteuse d’espoir

         L’organisation de la Coupe du Monde Inter Campus à FIRENZE pendant plus d’une semaine à permis de mesurer que le sport, grâce à son langage universel est  un puissant moyen de la promotion d’un environnement d’ouverture interreligieux, interculturel, interracial et œcuménique. L’objectif recherché  tout au long de la compétition était le brassage entre les jeunes au regard des multiples contacts qu’ils ont eu à établir et à entretenir pendant la durée des jeux.

         La véritable performance au plan sportif était déjà de pouvoir livrer 18 rencontres en jouant contre tous les autres pays présents à savoir :

                      Roumanie, Bolivie, Liban, Colombie, Iran, Bosnie, Cameroun, Maroc, Mexique, Angola, Bulgarie, Brésil, Chine, Ouganda, Argentine, Paraguay, Pologne, Israël/Palestine, Slovénie.

Un règlement spécial élaboré en tenant compte de la nature enfantine exigeait que tous les 14 joueurs d’une équipe prirent part  à la rencontre  les remplaçants du match précédent devant commencer impérativement le match suivant. Cette manière de procéder donnait la possibilité aux uns de se frotter aux autres.

         Au plan culturel, des soirées récréatives étaient organisées et les jeunes rivalisaient d’adresse et de fantaisie en présentant des jeux et en exhibant les pas de danses de leur pays d’origine. C’est ainsi que les enfants  imitaient le lendemain ce qu’ils avaient appris des autres. Il y a eu un véritable échange culturel entre les enfants qui pouvaient s’évaluer dans le campus, dans les bus lors des déplacements au travers de l’intense activité  qu’ils ont découvert chez  leurs  semblables.

Pour les enfants de toutes les races, de toutes les conditions sociales,  le sport est le meilleur moyen de se rapprocher de l’autre, de ne plus en avoir peur, de le rencontrer, de le découvrir, de l’accueillir, dès le plus jeune âge.

          Les échanges ne se sont pas limités seulement au niveau des délégations ceux-ci étaient étendus au niveau des écoles et autres structures socio-éducatives. En allant rencontrer des jeunes italiens dans leurs écoles, les participants à la Coupe du Monde Inter Campus ont eu des échanges fructueux avec ceux-ci au travers des activités interculturelles telles que la connaissance mutuelle de leurs régions, la peinture, le dessin et sur tout leur implication aux activités ludiques improvisées pour la circonstance. Il ne serait pas superflu d’affirmer que la coupe du monde Inter Campus aura  été un véritable prétexte pour permettre aux enfants du monde de se retrouver, de se connaître, de savoir qu’au delà des différences la nature humaine peut vivre en harmonie grâce au  sport. Le sport peut faire tomber les frontières artificielles. La véritable pratique sportive doit aider à la reconstruction culturelle et morale du monde, au renouvellement des valeurs que les jeunes doivent cultiver par opposition aux pseudos valeurs qui les attirent trop souvent. L’Association Sportive Catholique des lors se présente comme un champ propice au développement de la solidarité, à l’instauration d’un monde sans clivages, bref d’un monde où les différences religieuses et les différences culturelles contribuent plutôt au plein épanouissement de l’Homme.

En guise de conclusion, je voudrais pouvoir saisir cette occasion idoine  qui m’est offerte pour exprimer ma joie quant à ce qui est de la mise sur pied du Bureau Eglise et sport au niveau du Conseil Pontifical pour les Laïcs. Cette action portera à coup sûr des résultats qui seront en adéquation avec les objectifs assignés aux Associations Sportives Catholiques. Je m’en voudrais de ne pas suggérer que le Bureau Eglise et Sport ait sans délai des démembrements en Afrique où la plupart des pays qui sont encore en construction offre une opportunité extraordinaire à l’Eglise pour l’évangélisation. En d’autres termes, l’Association Sportive Catholique se doit d’offrir à ses membres et aux jeunes en particulier la possibilité de vivre une véritable expérience chrétienne en les aidant à découvrir et à construire à la lumière de l’évangile un monde ouvert aux valeurs des milieux pluri - religieux et pluri -culturels, à construire une société plus juste, plus humaine l’ Association Sportive reste un champ propice pour le développement de la solidarité, du dialogue interreligieux, interculturel, interracial pour un monde sans barrière , sans frontière.

         « Le sport au service de la Réconciliation, de la Justice et de la Paix «  c’est le thème de l’année 2010 du Centre Sportif Camerounais, repris du dernier Synode des Evêques d’Afrique.

         Au terme de cette contribution, nous osons espérer pour reprendre Monseigneur ISIZOH, que « l’Afrique peut devenir un exemple pour le reste du monde au plan de la cohabitation pacifique et du dialogue entre les religions, surtout avec l’islam ».                           

J’en ai terminé et vous remercie pour votre bienveillante attention.