|
Retour 3° SEMINAIRE INTERNATIONAL DU VATICAN Des champions contre tous les obstacles
Philip Craven * Lorsqu'on m'a demandé de parler de "champions contre tous les obstacles", je me suis dit que le titre devrait peut-être être "champions à cause de tous les obstacles", car ce sont précisément les obstacles qui font de nous des champions. Devient-on vraiment champion quand tout vous est donné sur un plateau ? Ou plutôt, ce n'est pas grâce à l'effort que vous faites pour atteindre vos objectifs que vous devenez un vrai champion, ce qui semble être ce qu'indiquaient les intervenants précédents. Au sein du Comité international paralympique ( IPC ), nous avons mis par écrit quatre valeurs fondamentales d'un champion. Cependant, je n'aime pas parler de valeurs écrites, car elles ne se trouvent pas sur le papier mais dans l'air et dans les gens. Néanmoins, un champion doit faire preuve de détermination, de courage ... - bien que je doive admettre que cela me pose problème car je ne me considère pas nécessairement comme une personne courageuse ; peut-être que d'autres le font, ce qui peut être une perception ; les champions peuvent inspirer ; et notre quatrième valeur - et peut-être un objectif clé de nos champions - est de créer l'égalité des chances dans le monde entier. Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de la vision de l'IPC et de la manière dont nous sommes arrivés à ces valeurs mentionnées ci-dessus. Ensuite, j'aimerais décrire brièvement ce qu'est le sport. J'insiste sur le mot "décrire" car nous n'avons pas le temps d'en discuter en détail ; ce pourrait peut-être être le sujet d'un autre séminaire. Enfin, je voudrais vous dire ce qui constitue un champion paralympique. Quelle est donc la vision du mouvement paralympique ? L'objectif de l'IPC est de "permettre aux athlètes paralympiques d'atteindre l'excellence sportive et d'inspirer et d'enthousiasmer le monde". C'était en 2002 et c'est assez clair et simple. On me dit que c'est mon travail de président de m'assurer que cette vision est toujours d'actualité. Pour l'instant, je pense que c'est le cas. Laissez-moi maintenant vous présenter cette vision, en la décomposant, afin de vous dire pourquoi elle est écrite comme elle l'est. Le premier mot, et peut-être le plus important, est le mot "permettre". Il ne s'agit pas de faire des choses pour les autres. Il ne s'agit pas de "s'occuper" d'une autre personne qui est "dans le besoin". Il s'agit plutôt de l'autodétermination de chaque individu. Il ne s'agit pas de la collectivisation, et donc de la marginalisation, d'un "groupe" qui est une perception dans l'esprit de certaines personnes (des personnes ayant un soi-disant "handicap"). Non. Il s'agit d'individus et d'athlètes qui décident et agissent sur leur propre développement individuel avec le mouvement. Cette autodétermination ne s'applique pas seulement aux athlètes et aux joueurs, mais s'étend également aux membres de l'IPC. Prenez par exemple Luca Pancalli, qui était avec nous plus tôt, qui est le président du Comité paralympique italien et le vice-président du Comité national olympique italien (il semble qu'il ait également eu un peu à faire avec le football italien dans un passé pas très lointain). Il s'étend aussi aux autres, y compris les bénévoles et le personnel. Tout cela fait partie de cette force ou de cet esprit qui constitue ce que nous sommes. En fait, notre devise est "l'esprit en mouvement" ! Ainsi, comme vous pouvez le voir, l'esprit du sport est fondamental pour le sport paralympique. La deuxième partie de la vision est "atteindre l'excellence sportive" et cela est très simple. Mais atteindre l'excellence sportive ne signifie pas seulement gagner une médaille d'or ! Je pense que cela a déjà été discuté par nos autres intervenants. Permettez-moi de dire qu'il appartient à chacun de décider ce qui constitue l'excellence à ses yeux. Il peut s'agir de jouer pour l'équipe locale de basket-ball en fauteuil roulant, ce que je fais trois ou quatre fois par an, même si je suis trois fois plus âgé que certains de mes collègues ! Pour d'autres, l'excellence peut signifier gagner une médaille d'or dans la piscine. Mais le mouvement paralympique n'adopte pas ce que j'appellerais une "vision américaine" - même si c'est aussi celle d'autres nations - qui prétend que la seule personne qui compte est le médaillé d'or. Car si nous le faisons, nous oublions environ 90 % ou 99 % des autres athlètes qui participent à la compétition. Nous devons penser à tout le monde et pas seulement au médaillé d'or. Toutefois, en ce qui concerne l'atteinte de l'excellence, permettez-moi de vous donner un exemple de certains temps qui peuvent être réalisés par les paralympiens. Oscar Pistorius, un athlète paralympique d'Afrique du Sud, qui est amputé des deux jambes sous le genou, peut courir 200 mètres en un peu plus de 21 secondes ! Ou encore, prenez l'exemple des marathoniens en fauteuil roulant qui peuvent accomplir un marathon en moins d'une heure et trente minutes ! Et un exemple encore plus stupéfiant est donné par ces personnes qui se sont cassées le cou ... : il y a vingt ans, elles n'avaient même pas le droit de se pousser ou d'utiliser un fauteuil roulant manuel car elles étaient obligées d'utiliser un fauteuil roulant électrique ; maintenant elles peuvent terminer un marathon en une heure et trente-deux minutes sans même pouvoir saisir les roues avec leurs mains ! Ils doivent pousser la roue avec le dos de la main. Ce sont des gens à qui on a dit : "Hé, vous devez être en fauteuil roulant électrique !" Et ils ont répondu. " Non, je ne le fais pas, je peux pousser ma propre chaise !" Il n'y a que quelques exemples d'excellence sportive paralympique. La troisième partie de la vision est celle d'inspirer et d'enthousiasmer le monde par le biais du sport paralympique. Inspirer et enthousiasmer sont la clé de cette phrase, car c'est ce qui se passe lorsque les gens vont voir les Jeux paralympiques en direct ou les regardent à la télévision. Ils ressentent cette force au-delà de toute croyance. Peut-être, avant d'être inspirés, sont-ils même surpris, comme ils l'ont peut-être pensé, que cela ne puisse jamais arriver ; c'est au-delà de leur croyance initiale. Quant à passionner le monde... le sport passionne, nous le savons et tout le monde le sait. Il suffit de penser à l'un des membres de la teble ronde, le footballeur Demetrio Albertini. Il a vécu des moments fantastiques sur le terrain ! Je suis sûr qu'il y a eu des moments dans sa carrière où il a été très enthousiaste, surtout après une victoire, et il y a eu aussi des moments où il s'est senti déçu ou déprimé après une défaite. Ce sont les émotions du sport ; le sport enthousiasme. Cela ne s'applique pas seulement aux athlètes, mais aussi aux entraîneurs, aux spectateurs et aux bénévoles. Cela devrait également s'appliquer aux sponsors, car ils devraient eux aussi être enthousiasmés par ce qu'ils font. Cela fait partie de la force qui se trouve dans notre esprit et qui produit une excitation au-delà de toute attente. La dernière partie de la vision de l'IPC, qui n'est pas écrite - mais qui devrait l'être - concerne l'héritage : les athlètes paralympiques changent le monde. L'action des athlètes, des bénévoles et du personnel peut changer et change la perception du public à l'égard des individus, qui pourraient être considérés par certains à l'heure actuelle comme "possédant" un handicap. Mais, à mon avis, il s'agit purement d'une perception de quelqu'un de l'extérieur qui regarde à l'intérieur. Réfléchissons maintenant à "qu'est-ce que le sport ? Nous avons tous entendu parler de Pierre de Coubertin et il a déjà été dit que oui, le sport est une compétition d'élite. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Mais Coubertin a également dit que le sport est une éducation. Je pense que ce qu'il voulait dire par là, c'est qu'il enseigne les compétences de la vie courante d'une manière très naturelle. En fait, la création de champions consiste à enseigner ces compétences de la vie courante. Coubertin a également dit dans les années 1920 que la plus grande menace pour le mouvement olympique est la sur-commercialisation ou, pour le dire autrement, la menace de "la contamination par les médias" comme l'a mentionné Demetrio Albertini il y a quelques instants. Je pense que ces deux choses vont ensemble. Mais quelles sont ces compétences de vie ? Beaucoup d'entre elles ont déjà été mentionnées dans cette table roude. Commençons par respecter les règles ... Dans la vie, nous devons tous respecter certaines règles, et cela a déjà été dit par l'entraîneur Bianchini. Le sport, lorsqu'il est bien pratiqué, lorsqu'il est un vrai sport, est l'antithèse de la guerre. Il n'y a pas de règles dans la guerre moderne. Le sport exploite l'agressivité et la frustration. Je me souviens de mon premier match international de basket-ball en fauteuil roulant. Je suis entré sur le terrain avec une attitude de joueur total, et j'ai été expulsé en première mi-temps avec cinq fautes ! J'ai vite compris la leçon, car je n'ai pas été renvoyé au moins pour les matchs suivants. Le sport, c'est aussi pratiquer le fair-play et l'honnêteté, c'est créer des amitiés d'équipe et des amitiés durables, et apprendre à faire confiance à quelqu'un ( retour au concept d'équipe ). L'argent ne joue aucun rôle dans tout cela ! Il s'agit d'apprendre à communiquer, et souvent à communiquer avec des êtres humains en face à face, et non pas avec un écran d'ordinateur ou un écran de télévision. Avec les préparatifs des Jeux olympiques et paralympiques de Pékin, j'ai dû me rendre en Chine dix-sept ou dix-huit fois. Une fois, en octobre 2005, j'ai essayé de me remettre du décalage horaire en regardant la télévision. ( Lorsque je voyage, je regarde toujours la chaîne d'information TV5 Monde car je la trouve bien supérieure à la BBC. ) A cette époque, il y avait beaucoup de troubles civils en France : des émeutes dans les rues et des voitures incendiées. Cela durait depuis deux ou trois jours, puis ils ont fait un reportage sur Marseille, dans lequel le journaliste demandait à un travailleur social : "Pourquoi n'y a-t-il pas de troubles à Marseille ? Et l'homme a répondu : "Eh bien, dans cette communauté, tout le monde se connaît". Toutes les deux ou trois semaines, ils vont jouer au football ou au tennis de table ensemble, et de cette façon, les gens de la communauté interagissent les uns avec les autres, ils connaissent leur monde et ils ne sont pas influencés par des choses qu'ils ne connaissent pas. Nous voyons donc ici comment le sport a facilité cette communication et cette construction de la communauté. Donner plutôt que toujours prendre : le principe du bénévolat. Se donner à l'équipe et recevoir en retour de ce travail d'équipe. Il est vrai qu'il existe des sports d'équipe et des sports individuels, mais les équipes commencent avec deux personnes : deux personnes forment une équipe ! Alors que gagner est bon, perdre ne signifie pas que vous êtes un raté. Vous pouvez et devez apprendre de vos défaites. C'est un autre obstacle qu'il faut surmonter pour apprendre à gagner. Une autre leçon à tirer : assurez-vous de vous amuser ! Mon sport préféré à l'école, avant mon accident, était le football. Je n'étais pas bon à ce sport, mais je l'aimais quand même. J'étais naturellement un joueur de tennis, un nageur et un joueur de cricket - qui est un grand jeu anglais dont aucun d'entre vous ne sait rien ! Donc, si vous voulez intéresser les enfants au sport dans les paroisses, ne regardez pas toujours leur apparence physique et ne dites pas : "Ce garçon mesure 1,80 m, il doit donc jouer au basket". Peut-être que cette personne de grande taille n'aime pas le basket-ball. Il faut d'abord voir ce qui est le plus intéressant et le plus amusant pour eux, et non pas prédéterminer cela en fonction de leur stature physique. C'est seulement ainsi qu'ils aimeront le sport. Et ne mettez pas l'accent sur la victoire pure et simple. Évitez le mantra : "Vous devez gagner, vous devez gagner, vous devez gagner ! Cela devrait venir naturellement. N'oubliez pas que ces compétences de vie ne peuvent pas être acquises en les téléchargeant sur Internet, en regardant la télévision ou en les lisant dans un manuel. Elles doivent être pratiquées régulièrement dans le cadre d'un entraînement à long terme sur le terrain de jeu. Comme l'a dit le professeur McNamee, citant Aristote : "la pratique rend permanent" l'acquisition de bonnes habitudes. De ce séminaire et de ce qui a été discuté aujourd'hui, j'ai l'impression que l'Église catholique veut revigorer et redynamiser ses programmes sportifs dans le monde entier et au niveau local, en "éduquant" par le sport. Qu'est-ce donc que l'éducation ? C'est tout simplement du match ou de la chimie ? Ou ne doit-elle pas aussi être équilibrée avec ces compétences de la vie courante ? Comme nous avons beaucoup cité Aristote ce matin, je voudrais retourner à Pékin il y a 2500 ans et citer quelque chose de Confucius concernant l'importance des compétences de la vie courante. Un disciple de Confucius, Zi Xia ( Tsze-sha ) a dit, à propos des hommes - et je suis désolé de dire que les femmes ne comptaient pas beaucoup à l'époque, mais ce qu'il a dit s'applique également aux hommes et aux femmes - : "Si un homme retire son esprit de l'amour de la beauté, et l'applique avec sincérité à l'amour des vertueux ; si, en servant ses parents, il peut exercer sa plus grande force ; si, en servant son prince, il peut consacrer sa vie ; si, dans ses rapports avec ses amis, ses paroles sont sincères - bien que les hommes disent qu'il n'a pas appris, je dirai certainement qu'il a appris. "1 Ils ont donc réfléchi à ces sujets il y a deux mille cinq cents ans, et rien n'est nouveau. Très brièvement, je veux expliquer pourquoi le sport est encore plus important pour une personne qui a un handicap perçu. Quels sont les avantages supplémentaires ? Eh bien, vous savez qu'il s'agit de réaliser que vous pouvez être bon dans quelque chose. Parce que la plupart des gens vous regardent quand vous êtes en fauteuil roulant et pensent que votre cerveau ne fonctionne pas juste parce que vos jambes ne fonctionnent pas. Il faut donc parfois se prouver qu'on peut être bon dans quelque chose. Pratiquer l'autodétermination vous aide à réaliser que vous pouvez tracer votre avenir. Linda Mastandrea, une grande athlète américaine de piste paralympique, a déclaré : "Ma participation au sport m'a non seulement apporté des avantages en termes de santé physique, mais elle m'a aussi aidé à développer des compétences de vie qui m'ont à leur tour aidé à devenir une avocate, une auteur et une oratrice accomplie". Vous pouvez également éprouver une grande joie dans le sport, vous sentir bien dans votre peau et aussi apprécier votre corps. Comme l'a dit le Père Kevin, il ne faut pas se soucier de ce qui ne marche pas, mais être fier de son corps ; ne pensez pas que vous ne pouvez pas ! Vous pouvez aussi être fier de faire partie d'une équipe. Tous ces bienfaits qui durent toute la vie contribuent donc à créer l'esprit paralympique qui est la source de notre force intérieure. Pour conclure, je voudrais revenir sur les valeurs paralympiques et sa vision, et sur les bénéfices que l'on peut tirer du sport. Je constate que les athlètes paralympiques sont de véritables champions au sens large du terme. Car on pourrait soutenir, comme je l'ai déjà dit, que les vrais champions n'apparaissent qu'après avoir surmonté de multiples obstacles. L'un des rôles clés de l'IPC et de ses membres est d'encourager les athlètes paralympiques à surmonter tous les obstacles ... et ils sont nombreux dans ce monde moderne, centré sur l'argent et non humaniste ! Ainsi, à la fin de la journée de retour aux valeurs paralympiques, les athlètes paralympiques sont courageux, ils inspirent tous ceux qui les entourent par leur détermination, mais ils ne sont vraiment là que pour chercher une chance d'apporter l'égalité des chances au monde. Je vous remercie. * Président du Comité international paralympique Le classique chinois : Vol. 1. La vie et les enseignements de Confucius : Analectes, Grandes connaissances, Doctrine de la moyenne, (traduit par J. Legge) Londres 1869, 18. |