PRETRES SPORTIFS
PERE RAPHAEL COMIOTTO
Le Père Raphaël Comiotto est un prêtre du diocèse de Grenoble, il a
fait sa formation à Lyon où j'ai eu la chance de vivre deux années à
son contact, de ces années est né une amitié profonde et je suis
heureux de lui ouvrir une page pour qu'il nous partage son expérience
avec les rugbymen de Grenoble et des environs et son ministère de
prêtre au service de ses frères et de tous les hommes ...
Son cheminement, ses photos, ses écrits, ses prières, ses interviews ...
son intervention au 2° séminaire international du sport au Vatican en 2007 ...
CHEMINEMENT
Mes premiers pas dans le rugby ont été faits bien tardivement… à trente
ans je ne connaissais de ce sport que de vagues images vues à la
télé au gré des rencontres du XV de France. Ma pratique du basket
comme mon attachement aux disciplines de l’athlétisme laissaient
de côté les prouesses des mêlées puissantes autant que les chevauchées
prodigieuses des ailiers. J’étais alors loin d’imaginer ma propre
aventure sur cette planète d’inconditionnels passionnés ou la rudesse
du jeu viril ne le rend qu’à l’extraordinaire convivialité des joueurs
qui s’engagent de tout leur corps, de tout leur cœur… de toute leur âme
!..
C’est à l’occasion de mon
premier ministère en 1994-95 sur la rive gauche du Drac, un an avant
d’être ordonné prêtre que je faisais la connaissance des « drôles de
paroissiens » qu’étaient les Wallisiens à FONTAINE. La figure
emblématique du XV de Grenoble , le capitaine Willy TAOFIFENUA,
résidait là avec sa famille. Marie son épouse et leurs quatre enfants
(Fabrice, Prisca, Romain et Sébastien… depuis un an et demi un
cinquième est venu agrandir le groupe : Kilian. Au fur et à mesure de
nos rencontres dans la communauté chrétienne, aux célébrations, à
l’aumônerie et la catéchèse pour les enfants, une relation d’amitié
toujours croissante s’installait. Pour eux et leurs proches (en visites
fréquentes en métropole) je devenais le « Patele » (traduisez «
prêtre » en wallisien) et j’étais de plus en plus invité au stade.
C’est ainsi qu’au cœur d’un ministère assez classique en paroisse
dauphinoise je vivais l’ouverture !
OUVERTURE
Ouverture au sport si
particulier du ballon ovale, ouverture à la planète Terre avec le
parfum et la culture de l’Océanie. (Je viens de terminer un voyage
émouvant et prodigieux d’amitié cet été en Nouvelle-Calédonie et aux
îles de Wallis et Futuna. Allez donc voir quelques clichés de ces
lointaines terres !) Ouverture à l’enrichissement des amitiés nouvelles
que ces nombreuses familles et relations amicales m’ont offertes en
métropole. J’ai bien compris que ce mot d’OUVERTURE était une notion
clef pour le rugby. Et j’ose dire, avec humour contre le numéro
dix, que le mot d’ouverture n’est surtout pas à prendre à demi ! Et les
troisièmes mi-temps partagées tard dans la nuit sont venues
rapidement confirmer ce jeu de mot paradoxal. Que de visages rencontrés
depuis lors ! Le groupe des Wallisiens constitue le pack de cette
avancée dans la connaissance ( pack si fidèle et énorme de belle
amitié où je me sens depuis comme en famille…Pack énorme aussi
bien sûr en raison du physique légendaire des Océaniens taillés pour ce
sport de guerriers!) Puis c’est la foule des joueurs du TOP 16 et
de tant d’autres clubs de tous niveaux par contagion d’amitié avec ceux
que les différents matchs me conduisent désormais à rencontrer.
RENCONTRE
Le premier temps de chaque
rencontre avec les joueurs est un espace où l’estime de l’autre est
importante. Je suis frappé par l’esprit du rugby où, bien plus souvent
que la critique acerbe qui prévaut dans de trop nombreux domaines c’est
l’admiration et l’estime de l’autre, partenaire ou adversaire, qui
advient. Cependant je ne donnerai jamais ni trop vite le Bon Dieu sans
confession même à ces figures si sympathique de mes amis joueurs !!!
L’humain est toujours là avec ces faiblesses… et c’est la tendresse de
la Miséricorde qui emporte tout ! N’est-il pas vrai, comme l’a
souligné malicieusement en son temps un autre prêtre passionné de
rugby, que ce sport est vraiment évangélique tant « il vaut mieux
donner que recevoir » ? !. Et les duretés du terrain dans l’âpre combat
s’effacent à l’autre lieu d’une fête partagée de face à face bien plus
conviviaux ! Les joueurs sont souvent intrigués de prime abord devant
ma présence. Après m’avoir pris souvent pour un partenaire
du club ils accueillent mon identité de prêtre comme une occasion
inattendue d’échange. Quelle joie d’avoir avec eux (parfois aux
marges de l’Eglise ) l’occasion d’une parole profonde et vraie sur leur
sport, leur vie, leurs passions et leurs espérances. Aux troisièmes
mi-temps nous ne buvons pas que de la bière mais aussi des paroles de
vie !!! La confiance est un élément capital de ce dialogue. Et je suis
à chaque fois étonné de voir le crédit immense accordé par ces hommes à
l’homme de l’Institution que je représente. Je pense alors à la figure
du Christ… Jésus n’est-il pas dans l’Evangile sans cesse à la rencontre
aux marges et ne suscite-t-il pas toujours la surprise dans le
dépassement des conventions et des routines ? Pour ma part depuis
l’université de Lyon où j’ai fait mes études, j’ai quitté les parquets
et les paniers du basket pour le gazon de l’ovalie à Grenoble… prise
d’air bienheureuse accompagnée d’une prise de poids qui fait alors
croire trop facilement que je pratiquais moi-même ce sport. Finalement
la chose est à prendre comme un avantage ( et même contre
l’avis autorisé de mon ami le Père Pascal Girard dont j’admire
l’hygiène de vie ! ..)Car ainsi je m’insère tout de même très
bien dans le paysage des « ovalistes ».
PRATIQUE
J’ai encore la chance de
prendre le temps d’activités physique où j’ai toujours le plaisir
de goûter aux beautés de la Création : la randonnée en montagne, le ski
(discipline « obligée » pour un prêtre du diocèse de Grenoble !!!) Le
badminton, vélo, footing, via ferrata et autre canoë sur lac me donnent
de savoir tenir une certaine forme utile lors des accompagnements
sportifs de mes amis rugbymen. Avec eux, et les Wallisiens en
particulier, il faut s’attendre à tout… fractionnés intensifs sur les
plages de Nouméa comme récupération physique après un match d’élite
dans la salle de musculation à Montferrand, VTT en altitude au Vercors…
l’accompagnement n’est décidément pas toujours un travail cérébral !!!
Cependant je dois avouer que je n’ai dans toute ma vie touché le ballon
ovale qu’une seule fois au collège dans des conditions minimales… et
depuis que je vois l’intensité comme la beauté complexe de ce jeu
dynamique dois-je confesser qu’il me vient à regretter de ne pas
avoir chaussé les crampons ! ? Mes relations avec d’autres clubs de
moindre niveau et le milieu des vétérans m’appelleraient à m’y
convertir enfin… mais je crois que mon engagement y souffrirait d’un
manque de culture qui fait de ce sport un art véritable !
Alors je demeure croyant mais pas pratiquant !!!
ECRITS
LA PRIERE DU GUERRIER
Plusieurs joueurs du FC Grenoble
m’avaient raconté leur impression devant l’attitude d’un des leurs qui
à chaque préambule de match faisait sa prière dans les vestiaires. Une
prière discrète et silencieuse mais perceptible par chacun tant est
importante l’attention des joueurs à ce moment là juste avant de vivre
ensemble un même combat ! Je me suis donc permis d’aborder ce sujet
avec le joueur dont je connaissais un peu la foi. J’étais désireux de
savoir comment chez lui une prière pouvait trouver sa place dans la
préparation à ce qui demeure une lutte où la charité n’est pas vraiment
la première des armes !!! Alors il me dit tout simplement
pourquoi, pour qui, il priait avant chacun des matchs qu’il jouait. Il
reconnaissait donc prier pour lui-même, pour son courage, sa force et
son endurance et remettait ainsi à Dieu tout ce qui pouvait advenir ;
Il priait ainsi pour que tout se passe bien, pour les risques de
blessures ... mais sa prière touchait également ses coéquipiers et il
les recommandait au Seigneur chacun par son nom, en fraternel soutien
invisible qui est la force de l’Esprit. Mais au-delà de mes attentes ce
joueur spirituel m’avouait aussi qu’il priait pour ses adversaires !
Non ses « ennemis » ... mais il priait pour ces partenaires d’un sport
où la valeur de l’opposition sert finalement le jeu de tous ! Je pensai
alors à ce que peut être au plus haut de sa signification la
compétition qui devrait être en effet la reconnaissance du meilleur et
l’aveu de l’estime que cela doit susciter en nous ! Que nous sommes
loin parfois dans la compétition à ce niveau de l’humilité engagé dans
le combat de la beauté et du sens ! Perdu parfois sur les chemins
tordus de la jalousie, des dopages délirants et de l’hypocrisie
convenue, le sport devient plus un instrument de souffrance et
d’humiliation qu’un lieu performant du désir de grandir. Combien
d’athlètes abîmés dans leur corps et dans leur tête par la folie des
fausses grandeurs, par le refus d’une limite qu’il faudrait combattre
avec la vérité du défi ? ... La prière du guerrier est une belle
prière car elle se met au plus proche de la vérité où nous nous
reconnaissons tout simplement humble, redevable et dépendants les uns
des autres. L’humilité n’empêchera jamais de grandir dans le sport (
nombre d’athlètes fameux l’ont tellement illustré brillamment ).
L’humilité fera au contraire toujours remporter la vraie victoire :
celle de la vérité d’une compétition où le meilleur ne triche pas ...
Un meilleur dont la victoire ne sera jamais flétrie par la vanité de
l’illusion.
« Les
athlètes dans le stade courent tous ... pour une couronne périssable,
nous pour une couronne impérissable » 1 CO 9,25-25
PRIERES
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Le sport est toujours un combat ... |
Combat contre l’autre ou contre soi-même.
Combat contre la vitesse du temps et la pesanteur des
éléments..
Le
face à face se donnera toujours en rendez-vous et dans la
lutte qui s’engage une beauté advient parfois.
La beauté est là en ce qui défait l’orgueil d’une victoire pour la
seule et vaine gloire …
Il y a le
don, la générosité, l’envie de vivre ce dépassement comme une offrande
du meilleur de soi.
Il y a un engagement qui donne sens, un but,
un autre point atteint où contemple assis au bout de la course
celui qui a franchi l’espace.
Et
l’adversaire quel qu’il soit peut devenir l’étonnant partenaire d’une
recherche
où le sens dépasse l’antagonisme étroit.
Complice inattendu d’un acte qui fait image et devient parole
éclairante.
Dans la nuit, au son lourd d’un combat qui pèse dans l’attente de
l’opposition,
un visage émerge et marque la nuit de sa lumière.
L’homme
face à la masse qui n’a plus de nom est une question, une
intelligence, une parole, un esprit.
PHOTOS
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Préparation de mariages au CPM de saint Hugues de Biviers ... public
jeune, cadre montagnard séduisant... deux bons paramètres pour le sport
en Isère !
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le clan Wallis = famille des Taofifénua et leurs cousins... à
l'époque où le groupe des Wallisien était très important dans le club
du FCG. photo prise à l'issue de la messe du Corps du Christ célébrée à
VEUREY ( Prédication sur le corps et son sens par le potentiel de son
expression face à un milieu de sportifs invités... basket, rugby, judo
et enseignants en EPS ) |
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un des anciens deuxième lignes Wallisien du FCG : Thierry POLUTELE ...
bientôt jeune père de famille ! toujours sensible à la foi Thierry m'a
emmené lors de on séjour en Océanie dans ce lieu paradisiaque et si
tranquille du monastère de trappistes au dessus de Saint Louis près de
Nouméa. l'océan est un immense espace de contemplation ! |
Cieux de Nouméa.. peut-être une des magnifiques raisons pour la foi en ce pays |
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célébration des dix ans d'ordination de quatre prêtres Samoa à Futuna (
dont la langue leur est très proche puisque Samoa a colonisé l’île par
le passé comme le fit Tonga pour Wallis ) c'est le Père Vitaliano (
chasuble verte ) qui a institué le rugby à futuna. |
Concélébration avec plusieurs prêtres dans le diocèse de Vérone lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Rome en Août 2000 |
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parmi les piliers de l'église de Brive ( magnifique roman !! ) un autre pilier d'Eglise: le chrétien Laurent Paki !!! |
Challenge Delavay.. compétition internationales des prêtres au ski... Ici la course était à Serre-Chevalier. |
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l'art de la touche: derby entre Grenoble et Bourgoin-Jallieu les deux
grands clubs dauphinois ... les deux " tours de contrôle " (
appellation pour les deuxièmes lignes ) sont Lyonel VAITANAKI pour
Bourgoin et David DUSSERT pour Grenoble ( deux très bons amis ) ... on
peut comparer les styles ! |
la mêlée = équipe de Grenoble 1999-2000 au stade de Lesdiguière |
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Coupe du Monde de football France 1998 : je fus invité pour le match
Angleterre Argentine ( le plus long et le plus beau de la compétition à
ce moment là! ) |
ce jeune futunien est actuellement à Montpellier en sport études. pas
facile pour lui de s'adapter à la métropole... il n'a que 19 ans !!!
c'est le problème pour ces jeunes des îles qui vivent dans une
structure très encadrée par le clan familial et se retrouvent en
métropole sans ces mêmes cadres ! |
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Big portiers ... le rugby mène toujours en boîte de nuit ... à la porte
d'autres praticiens de ce sport use de leur large physique pour filtrer
!.. c'est le cas remarquable de Pash le Tahitien sur la gauche ( Pascal
en fait de son vrai prénom... ) 2 m pour 175 kg et Falemaha le Futunien
à droite 2,03 m pour 160 kg ... un peu plus mince !!!.. deux délicieux
nounours ! |
en Italie célébration lors d'un voyage pélé au bord du lac de Garde...
un des plus fort moment. on est là près d'un site qui est la Mecque...
disons la Rome des véliplanchistes (visibles au loin...) l'Esprit
soufle où il veut!!! |
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notre champion en pleine action, ballade en montagne où les chemins peuvent être rudimentaires ... |
une petite brochette de joueurs Wallisiens en France ... club de
l'armée et d'élite (ou "Top 16" maintenant) : Montferrand, Brive,
Biarritz et Bourgoin-Jallieu. |
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une photo de la classe de flûte de mon ancien prof, j'étais allé donné
un coup de main pour l'inauguration d'une salle de concert à Saint
Priest près de Lyon. |
INTERVIEW
Sport et religion. Les stades, terrains pour l'évangélisation. «
Derrière les "armoires à glace '', des questions spirituelles aiguës ».
Aumônier universitaire à Grenoble, le Père Raphaël Comiotto, 39 ans,
est aussi depuis dix ans l'aumônier officieux des rugbymen. Interview :
P. Raphaël Comiotto, « Aumônier du rugby ».
- Comment êtes-vous entré en contact avec le monde du rugby ?
- P. Raphaël Comiotto : Je suis sportif de tempérament, mais je n'ai
jamais pratiqué le rugby. Un an avant d'être ordonné prêtre en 1995,
j'ai fait la connaissance de la figure emblématique du XV de Grenoble,
le capitaine Willy Taofifenua (aujourd'hui manager), originaire de
Wallis-et-Futuna. Il venait à la messe dans ma paroisse, sur la rive
gauche du Drac, avec sa femme et ses enfants. Nous sommes devenus amis.
Il m'invitait de plus en plus souvent au stade. J'ai connu d'autres
joueurs qui sont partis vers d'autres clubs à qui ils m'ont présenté,
et ainsi de suite. Aujourd'hui, je suis en contact avec les clubs de
Grenoble, Bourgoin-Jallieu, Montferrand, Brive-la-Gaillarde, Périgueux,
Béziers et bien d'autres. Je connais environ 250 rugbymen de diverses
nationalités.
- Avez-vous un statut particulier ?
- Quand quelqu'un me présente dans le milieu, on m'appelle « l'aumônier
du rugby » ou « l'aumônier des rugbymen ». C'est une reconnaissance de
facto, pas un statut officiel. Mais les liens qui nous unissent sont
solides. Quand j'ai commencé à suivre les rugbymen, j'avais en charge
trois paroisses et une aumônerie de lycée. J'appelais les rugbymen « ma
cinquième paroisse ».
- Comment êtes-vous reçu dans le milieu du ballon ovale ?
- Beaucoup de joueurs, dans le Sud-Ouest notamment où il y a une forte
tradition chrétienne, sont baptisés. Les joueurs perçoivent très
positivement la présence d'un prêtre. J'entends régulièrement : « On
devrait voir plus souvent des prêtres comme vous. » Comme partout,
certains discours institutionnels sont mal compris, mais en tant
qu'homme d'Église, je suis toujours accueilli avec respect et
bienveillance. Derrière les physiques d'armoires à glace, je découvre
souvent une grande sensibilité et des questionnements spirituels aigus.
- Concrètement, quel travail spirituel menez-vous auprès d'eux ?
- Je n'attaque jamais le premier ! Ce sont eux qui viennent vers moi.
C'est lors de la « 3e mi-temps » (NDLR : la fête après un match) que je
travaille le plus ! À ce moment-là les rencontres sont les plus
profondes. Évidemment, c'est un temps de fête, mais beaucoup en
profitent pour discuter en tête à tête, aborder des questions qui leur
tiennent à coeur : choix de carrière, mariage...
- Y a-t-il, selon vous, dans le rugby, quelque chose qui parle de l'Évangile ?
- Dans ce sport, on retrouve beaucoup de valeurs chrétiennes : partage,
loyauté, générosité, amitié, estime de l'autre... Qu'on soit chrétien
ou non, quand on évolue selon ces principes, on touche directement au
mystère de l'homme, à l'invisible. Et puis, c'est une discipline dans
laquelle on sait s'émerveiller des qualités de l'autre, aussi bien
sportives que morales.
- Ces valeurs se manifestent-elles même à l'occasion d'un match ?
- Il y a quelques années, un jeune joueur de Grenoble m'avait demandé
de venir dans les vestiaires avant le match pour parler à l'équipe.
J'ai refusé de le faire, car je ne veux pas devenir le prêtre attitré
d'une équipe. Je suis simplement en faveur des meilleurs, de ceux qui
offriront le plus beau jeu ! Il n'empêche que ce joueur priait à chaque
fois dans les vestiaires. Ce que j'ai trouvé génial, c'est qu'il priait
à la fois pour lui, pour ses compagnons et pour ses adversaires. Il
n'était pas dans l'appropriation de la gloire, mais il offrait au
Créateur la rencontre.
- Quels dangers observez-vous dans ce milieu ?
- Quand le Christ dit « Lève-toi et marche », il parle à toutes les
dimensions de mon être : à mon corps, à ma parole, à mon esprit. Le
piège du sport serait de s'arrêter à la performance. Or, on ne
s'accomplit pas par le sport seul. Sans une réflexion sur le sens à
donner à sa vie, le sport ne peut pas être ce magnifique espace
d'épanouissement qu'on nous fait miroiter. C'est sur cette dimension
qu'il faut travailler avec les sportifs. Pour que le sport soit une
véritable école d'humanisation, et pas seulement celle de l'excellence
guerrière.
- Que vous apporte cet engagement pour votre vie de prêtre ?
- Des amitiés solides ! Et puis, cela m'éclaire sur la vérité de mon
sacerdoce. Je me rends compte que Dieu appelle par les hommes. C'est en
répondant à l'appel qu'ils m'ont lancé que j'honore le Seigneur. C'est
fatigant : il faut être capable de passer une nuit blanche et
d'enchaîner sur la célébration d'une messe à 10 heures... Quand je me
rends à une « 3e mi-temps » en traînant les pieds, je me dis que je ne
fais pas seulement cela pour mon plaisir et qu'il s'agit d'une vraie
mission. Mais, au final, je reçois toujours beaucoup de leur part.
constance de Buor pour la revue : La Croix 28/08/04