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Retour TEMOIGNAGE DE SPORTIF DE HAUT NIVEAU J'ai un petit secret : je suis croyante !
Virginie Razzano a mis sa foi dans sa raquette. La Nîmoise, qui dispute aujourd'hui le 3e tour, a évoqué publiquement son appartenance catholique au début du tournoi. Dans le temple du coup droit lifté et du revers décroisé, Dieu n'a pas souvent sa place dans les échanges. Mais avec Virginie Razzano, qui rencontre aujourd'hui l'Américaine Lindsay Davenport pour une place en huitièmes de finale, la religion s'est invitée sur les courts. La Nîmoise de 22 ans a publiquement déclaré sa foi dès le début de la quinzaine, après sa victoire face à la Russe Dinara Safina, tête de série n° 25 : « J'ai un petit secret, mais je peux vous le dire, je suis croyante, a-t-elle lâché en conférence de presse. Je pense que cela fait avancer dans n'importe quel métier ou dans n'importe quelles circonstances, parce qu'avoir la foi, c'est aussi être très positif. » Ce discours est pain béni pour les oreilles lassées par les sempiternelles considérations tactico-techniques, même pour les mécréants qui ont surnommé la championne la « Bernadette Soubirous de la porte d'Auteuil ». Surtout que cette grande jeune fille de 1,74 m dit tout cela en éclatant régulièrement d'un rire qui fait briller ses jolis yeux bleus derrière ses lunettes, et qu'elle ne se fait pas prier pour évoquer son cheminement spirituel de sportive catholique en forme après avoir connu un début de saison difficile. Virginie Razzano ne s'est pas arrêtée là dans sa confession devant les micros : « Je me suis dit : "Dieu t'a donné du potentiel tennistique pour pouvoir bien jouer au tennis. Pourquoi ne l'utilises-tu pas à 100 % ? Il a donné plein de choses qui sont bien pour toi, et si tu ne le fais pas, tu auras des regrets plus tard, à la fin de ta carrière, et tu n'auras pas accompli ton job." Après, cela fait réfléchir. » Après sa deuxième victoire de la semaine, face à la gauchère argentine Clarisa Fernandez (6-1, 6-1), elle a ajouté : « Le fait de croire peut permettre de sauter des barrières, d'essayer de franchir des caps, et moi je pense avoir réussi à franchir ce cap. » À l'écouter, ce fameux cap a été passé en début d'année. Née dans une famille modeste (son père, François, ancien plâtrier, est policier, et sa mère, Thérèse, travaille dans une crèche) et sportive (son oncle Bernard a été champion d'Europe de boxe en 1993, catégorie super-welters, après avoir été initié au noble art par le père de Virginie), la joueuse avait alors du mal à gagner deux matchs de suite et à tenir les promesses de sa carrière de junior, où elle avait remporté l'Open d'Australie en 1999 et Roland-Garros en 2000. Pour tenter de repartir de l'avant, la jeune Gardoise a fait appel aux services d'un ancien employé de France Télécom reconverti dans la préparation mentale des sportifs, Patrick Grosperrin, qui s'est fait un nom dans les stades en s'occupant du skieur Jean-Luc Crétier, champion olympique de descente à Nagano en 1998. Conseillée à distance, par téléphone ou par SMS, elle a atteint en avril son meilleur classement, la 35e place mondiale, et cette progression s'est construite autant dans les jambes que dans la tête. La foi suffira-t-elle à déplacer une montagne nommée Lindsay Davenport, 1,89 m pour 79 kg, et n° 1 du moment ? L'histoire rappelle en tout cas celle de Mary Pierce, vainqueur de Roland-Garros en 2000, dévoilant alors sa croyance en Dieu, elle aussi en lice aujourd'hui. « Mary ne savait pas que j'étais catholique, raconte Virginie Razzano. On en a discuté longuement, et on a sympathisé. En 2000, elle s'est surpassée, elle était très sereine. Moi aussi, je me sens un peu nouvelle par rapport à ce que je ressens à l'intérieur de moi. Je me sens beaucoup mieux dans ma peau et dans ma tête. » Il y a cinq ans, les deux championnes de la foi s'étaient rencontrées au 3e tour. Cette année, elles ne pourront se croiser qu'en demi-finale. article rédigé par Pascal Charrier pour la revue : La Croix 27/05/05 |