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Retour TEMOIGNAGE DE SPORTIF DE HAUT NIVEAU L'histoire incroyable de ce prêtre culturiste
Écrit par Maurice Neyra
Il s’appelle Miguel Angel Paredes et pour tous les habitants de la petite ville
colombienne de Paipa, nichée dans la province de Boyacá, c’est autant le héros
local que le représentant de Dieu sur terre. Sa particularité ? Ce jeune
Colombien de trente- neuf ans est prêtre, mais pas seulement, il est aussi une
vedette du culturisme national. Alterner ces deux offices peut paraître à
première vue épuisant, éreintant, voir insoutenable. Pourtant, depuis plusieurs
années Miguel Angel vit paisiblement ses deux vocations à Paipa, cette ville
colombienne aux allures coloniales où rien ne laisse entrevoir la présence d’un
tel phénomène. Et malgré sa nouvelle médiatisation, il conseille toujours
ses fidèles avec la même passion et déborde d’énergie. Alors comment ce doux
colosse en est-t-il arrivé là, lui qui de son propre aveu n’était pas
destiné à réaliser ces prouesses ?
Lorsqu’on dit d’une personne qu’elle pèse quatre-vingt-dix dix kilos pour
seulement un mètre soixante-dix, on s’imagine souvent un homme ou une femme
avec un embonpoint pour le moins imposant. Chez Miguel Angel ce ne sont de
toute évidence pas des bourlets qui ressortent mais bien des muscles saillants
peut-être même un peu trop. Toutefois, ce dernier n’a jamais prétendu à un
poste de videur de boîte de nuit, de vigile d’un grand magasin ou de garde du
corps d’une grande autorité étatique. Il a toujours voulu être prêtre, rien
d’autre. Petit, même si le football et le basket lui procurent d’intenses
moments de bonheur, il n’aspire pas non plus à devenir un athlète de haut
niveau. Ainsi, en novembre 1994, il est ordonné prêtre au Séminaire Majeur de
Tunja, sa ville natale. Son destin jusqu’alors loin d’être hors du commun va
être bouleversé quatre ans plus tard. Un curé de la ville américaine d’Austin
au Texas l’invite à participer à un diocèse. L’insouciant Miguel Angel accepte
sans se douter des conséquences qui vont suivre.
Arrivé sur le sol américain, il découvre un univers complètement différent de
la Colombie. « Les fast-foods me choquaient plus qu’autre chose et
d’ailleurs me dégoûtent toujours », confie-t-il au quotidien
colombien El Tiempo. Oui, effectivement, ses quatre-vingt-dix
kilos actuels ne sont pas dus à une ingurgitation récurrente de délicieux Big
Mac tous droits venus de MacDonald. Ce qui va l’intéresser par-dessus tout,
c’est la grandeur des salles de musculation. « Jamais je
n’aurai imaginé voir autant d’appareils pour se muscler » s’étonne-t-il
devant nos confrères colombiens. Rapidement il prend goût à la pratique d’une
série d’exercices destinés à se muscler et surtout à esthétiser son corps. Au
bout de quelques mois, les haltères n’ont plus de secrets pour le gladiateur
colombien, qui désire maintenant affronter des néo-culturistes made in USA.
Seul petit hic, il doit demander la confection d’une soutane adaptée à son
corps. Il débute en février 1999, lors d’un tournoi se déroulant au
siège de l’armée de l’air américaine. À la surprise générale, il remporte au
haut la main le titre dans sa catégorie et ajoute une ligne à son palmarès de
néophyte en occupant la première place au classement général : une légende
du culturisme colombien est née.
Cependant tout n’est pas si facile pour Miguel Angel : éloigné de sa
famille, il doit se tenir à un régime alimentaire draconien. Sept repas par
jour ! Avec au menu, de la viande, des légumes et des compléments
alimentaires à l’instar de l’huile de poisson, des milkshake de jaunes d’œufs
et de lait ou encore des sucres lents comme la saccharose, le
maltose et le lactose. Ses conseillers, intéressés qu’ils étaient par la gloire
que pouvait leur rapporter ce jeune Colombien l’incitent à consommer des
produits dopants. Le jeune culturiste est au courant des possibles effets
néfastes ; de plus il déteste toutes les sortes de stéroïdes. C’est
sans compter sur la pression opérée par différents pays dans l’optique de
sponsoriser le prodige qui multiplie alors les succès. En échange, tous lui
demandent de consommer des stéroïdes pour augmenter son volume musculaire. Il
refuse de céder aux demandes qu’il considère « indécentes »
et s’isole peu à peu. Jusqu’à l’entrée en piste du célèbre coach texan
Jerry Melina qui lui propose ses services. Paredes ne boude pas son plaisir et
accepte immédiatement. Seulement en échange il doit respecter un régime encore
plus rigoureux et doubler des efforts pour atteindre, sans stéroïdes, le même
niveau que ses futurs rivaux. Grâce à une volonté de fer, il s’impose dans la
catégorie des poids moyens de l’État du Texas, puis remporte de manière
homérique sept fois d’affilée le titre de champion des champions texans. Il
devient une star américaine, mais est encore inconnu dans son pays natal.
En effet, en Colombie contrairement à d’autres pays latino-américains la
pratique du culturisme n’est pas très développée à l’inverse de celle du catch
notamment. Néanmoins Miguel Angel désire ardûment revoir sa famille, avec qui
il ne communiquait que par téléphone. Celle-ci n’avait pas les moyens de
financer un voyage vers les Etats-Unis. Surtout, il a une très mauvaise
nouvelle à leur annoncer. En février 2008, il est atteint d’une tumeur
cancéreuse et préfère se faire opérer en Colombie que chez un spécialiste
américain réputé, la foi en Dieu a parlée. Retour au pays, un point c’est tout.
Il subit une opération chirurgicale à la jambe ce qui l’oblige à mettre entre
parenthèse sa carrière, ce durant huit mois. Appuyé moralement par ses
supérieurs religieux, il officie alors dans trois paroisses de Paipa,
situé à une trentaine de kilomètres de Tunja où réside sa famille. De nouveau
en pleine forme en novembre, il reprend un entraînement de haut volt. Les
heures d’entraînement au gymnase se comptent au nombre de dix par semaines,
sans oublier les séances de natation et de footing. Il y a deux mois, Miguel
Angel se préparait à disputer une compétition nationale à Sogamoso, où il
allait représenter la province de Boyacá. Fidèle à sa réputation acquise au fil
de ses années folles du rêve américain, il ne laisse aucune chance à ses
adversaires. Actuellement dans une importante phase de préparation en vue de
défendre son pays lors d’une compétition qui aura lieu en avril 2010 au Mexique
et à laquelle il a été invité, il enchaînera ensuite une tournée dans son pays
d’accueil qui lui a tant donné. Aussi, il a reçu une offre de l’Institut des
Sports de Boyacá, pour qu’il participe à la création d’une Ligue Départementale
de levée de poids…Ni une ni deux, Miguel Angel s’associe au projet et promet en
plus de dénicher un partenariat avec son ancien centre texan. Pour cela il
pourra mettre à profit le fait qu’il soit bilingue, chose plutôt rare du côté
de Paipa.
Très occupé comme on peut le voir par le culturisme, il reste pourtant catégorique :
« J’ai toujours lutté en silence avec pour seul objectif de rendre
gloire à Dieu. Dans toutes les compétitions auxquelles je participe, je me suis
identifié comme prêtre, office que je rempli durant les vingt-quatre heures de
la journée ». Il ne remet aucunement en question son rôle de prêtre
qu’il rempli à merveille selon les fidèles paroissiennes de Paipa. María, l’une
d’entre elles, affirme qu’il faut « protéger ce guerrier autant qu’il
nous protège lui ». Le héros local n’a pas fini de faire parler de
lui, surtout avec la presse qui accoure régulièrement prendre de ses nouvelles,
ce qu’il ne rechigne aucunement à faire. Comme il le souligne très justement « je
ne suis pas un homme extraordinaire, une sorte de Superman venu d’ailleurs.
D’autres prêtres ont exercés dans d’autres labeurs, tenez, prenez Lugo au
Paraguay par exemple. C’est un président, alors que dans le passé il était
prêtre ». Cela reste tout de même assez original pour être souligné.
Ses paumes de mains sont recouvertes d’une multitude d’ampoules symboles de
l’entraînement intensif qu’il pratique. Espérons simplement qu’au moment de la
communion il ne glisse pas à l’oreille de ses fidèles : « Tu ne
veux pas faire comme moi et débuter cet appétissant régime :
créatine et Ostie ? » , quelle originalité, mon
Dieu. |