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TEMOIGNAGE DE SPORTIF DE HAUT NIVEAU
YOHANN GENE

               Ca me fait quelque chose d'arriver à Lourdes

Yohann Gène est l’un des rares coureurs à accepter de parler de sa foi.

Yohann Gène confie qu’il demande surtout « à Dieu de (le) protéger, (lui) et les autres gars du peloton ».

Vendredi 15 juillet, le peloton arrive à Lourdes, où son épouse vient tous les ans en pèlerinage.

Vendredi 15 juillet, au départ de Pau, Yohann Gène ne devrait avoir aucun mal à trouver les mots de la prière quotidienne qu’il fait avant chaque course. Vers 17 h 30, le peloton arrive à Lourdes, un lieu que lui-même ne connaît pas, mais que son épouse visite tous les ans. 

« Je pense qu’elle va allumer une petite bougie spéciale pour moi aujourd’hui », s’amuse ce bel athlète de 30 ans, plutôt surpris qu’on l’interroge sur sa foi et non sur la couleur de sa peau, car il est le premier coureur noir de l’histoire du Tour de France.

Une petite prière

« Une fois que le peloton sera lancé, je penserai à bien autre chose qu’à la Vierge, précise le Guadeloupéen. En course, il n’y a pas de place pour la religion, le Tour de France passe à côté de centaines d’églises et je ne leur jette pas un regard. À l’entraînement, c’est différent. Quand je roule avec les gars de mon équipe, je fais une petite prière en passant devant une croix ou une chapelle, mais je ne leur dis rien. »

« Je sais que quelques coureurs croient en Dieu, mais ce n’est pas un sujet de conversation, on parle de la course, de nos familles, de nos loisirs, mais jamais de religion. Des fois, je demande à un gars s’il est croyant, il me répond oui ou non et ça s’arrête là. »

Ascèse et discipline

Dieu absent du peloton ? « Pas plus que du reste de la société, répond Yannick Demey, prêtre et champion de France cycliste des religieux. Je pense que le cyclisme est un des sports qui se rapprochent le plus de la religion. Nous partageons l’ascèse, la discipline, l’entraînement solitaire, le chemin à parcourir, l’élévation dans les étapes de montagne… »

« Bien sûr, en course, tout cela disparaît, mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas présent. Le sport cycliste est un des plus durs et dangereux qui soient… D’ailleurs, quand ils gagnent une course, les gars lèvent les bras, ce n’est pas qu’une manifestation de joie. Souvent, ils accompagnent ce geste d’un signe vers le ciel à quelqu’un qui n’est plus là, un parent, un ami, ou un collègue blessé ou mort en course, comme c’est arrivé en mai sur le Tour d’Italie. »

« Notre-Dame du Tour de France »

« C’est vrai, je demande à Dieu de m’aider à bien courir, prolonge Yohann Gène, mais surtout, je lui demande de me protéger, moi et les autres gars du peloton… Ce qu’on craint tous, c’est la chute. Même si les gars n’en parlent jamais, ils savent qu’ils sont fragiles, que ça peut arriver très vite. Alors si la Vierge peut nous protéger, tant mieux… »

Jeudi soir devait avoir lieu la traditionnelle procession aux flambeaux de Lourdes, dédiée au Tour de France. 180 cyclotouristes amateurs s’apprêtaient à ouvrir le cortège, juste derrière la statue de la Vierge, rebaptisée en 1948 « Notre-Dame du Tour de France » par l’évêque de l’époque, Mgr Théas, à l’occasion de la première arrivée du Tour à Lourdes. 

Le vainqueur de l’époque, Gino Bartali, était allé porter à la grotte la gerbe de fleurs qu’il avait reçue à l’arrivée. Pas sûr que le lauréat 2011 ait le même réflexe. À moins que Yohann Gène…

Demain, 14e  étape, Saint-Gaudens-Plateau de Beille.

JEAN-FRANCOIS FOURNEL, à Pau