Je puise mon énergie dans la foi
Née
à Pointe-à-Pître, en Guadeloupe, Laura Flessel Colovic est mariées et
mère d'une jeune fille de 12 ans. Deux fois médaille d'or aux Jeux
Olympiques, six fois championne du monde et une fois championne
d'Europe, son palmarès est impressionnant. Mais la sportive s'engage
aussi dans des missions humanitaires et mène un combat en faveur de la
diversité. Celle que l'on surnomme " la guèpe ", en raison de son
habitude de toucher ses adversaires aux pieds, se confie en toute
intimité.
De quand date votre intérêt pour l'escrime ?
J'ai eu le coup de foudre dès l'âge de 5 ans et demi. Mes parents
voulaient que ma soeur et moi fassions de la danse, car c'était à leur
yeux un sport de fille. Or, c'est l'escrime qui m'attirait. Peut-être
voulais-je faire comme mes deux frères ? Toujours est-il que je suis
d'emblée passionnée pour cette discipline, et j'ai assez vite remporté
de bombreux titres. A tel point que j'ai décidé d'en faire un métier.
Quels sont vos qualités et vos défauts ?
Boulimique de la vie, je suis une personne très déterminée. Ma
persévérance et mon exigence m'ont sûrement beaucoup aidée à ne jamais
baisser les bras. Quant à mes défauts, lorsque j'étais enfant, on avait
coutume de dire que j'étais assez insolente. C'était sans doute un peu
vrai, mais finalement, je crois que cette insolence s'est plutôt
transformée en avantage, car elle a généré une vraie curiosité !
Comment vivez-vous la défaite ou le fait de ne pas arriver en première position ?
Bien évidemment, je déteste perdre mais, pour autant, je ne suis pas
une mauvaise perdante. Je dirais même que, dans une certaine mesure,
les échecs m'ont permis de me bonifier. Cela oblige à une certaine
humilité.
A 41 ans, vous venez de mettre un terme à votre carrière d'escrimeuse. Avez-vous eu un pincement au coeur ?
J'ai toujours appliqué la règle des 3 P : plaisir, peur et performance,
qui m'avait été inculquée par l'un de mes professeurs. Mon maître mot à
toujours été le travail. J'aime à la fois donner et surprendre. J'ai eu
conscience d'être à l'origine d'un tourbillon médiatique et de faire
des émules. En effet, des jeunes m'ont souvent avoué avoir eu envie de
pratiquer ce sport grâce à moi. Je l'ai vécu comme une grande fierté.
Je me suis toujours sentie très proche de mon public, mais malgrè tout
cela, j'étais consciente qu'il fallait que j'arrête. Bien sûr, c'est
une page qui se tourne, mais aujourd'hui, je crée des évènements dans
l'univers sportif. Et je n'exclus pas, peut-être, de rejoindre
l'univers des médias.
Vous vous êtes aussi
beaucoup investie dans plusieurs associations humanitaires. Vous êtes
la marraine de Handicap International, mais aussi l'une des
ambassadrices de l'ONG Plan France. Sans parler de votre implication au
sein de l'UNESCO, de Ti'Colibri ou encore d'1 Maillot pour la vie. Que
vous apporte tous ces engagements ?
Je prend beaucoup de plaisir à m'investir pour ces structures. Plutôt
que de suivre cela de loin, j'aime aller sur le terrain pour rencontrer
à la fois les gesn qui travaillent pour ces associations mais aussi les
populations en souffrance. C'est important de prendre le temps d'aider
les autres, surtout les enfants. Après le tremblement de terre à
Basse-Terre, en Guadeloupe, j'ai participé à une opération avec le
secours populaire, à l'avant-veille de Noël. Nous avons été offrir des
cadeaux aux enfants pour égayer cette fête, car ce n'étais pas la
priorité de leurs parents à ce moment-là. J'ai eu la chance d'avoir une
enfance très heureuse, et c'est important pour moi de rendre un peu ce
que j'ai eu le bonheur de recevoir.
Y a-t-il d'autres causes pour lesquelles vous êtes sollicitée ?
Oui, assez régulièrement. Par exemple, j'ai participé à un hommage à
Aimé Cesaire, en Guadeloupe, l'île dont il était originaire. Je ressens
comme une mission le fait de promouvoir cette culture et de contribuer
à la faire mieux connaître. En parallèle, je mène aussi d'autres
missions. Je suis notamment présidente du Comité permanent de lutte
contre les discriminations au sein du Ministère des sports, mais aussi
chargée de mission au Ministère des droits des femmes, pour veiller à
la parité dans le sport. Je suis particulièrement sensible à l'égalité
entre les sexes et au combat en faveur de la diversité de manière
générale.
Comment se traduit votre foi ?
Ma mère nous emmenait régulièrement à l'église, avec mes frères et
soeurs. Je continue d'y aller souvent. Mais je considère que la foi est
surtout intérieure. Elle m'habite en permanence. Au cours de ma
carrière, je n'ai pas toujours eu la possibilité d'aller dan un lieu
saint pour prier, alors c'est l'église qui venait en moi. Lors des
heures passées sur les pistes d'escrime, à l'entraînement comme en
championnat, j'ai pu puiser dans ma foi une importante source d'énergie
et de motivation. Il m'est même arrivé de prier dans d'autres lieux de
culte, comme des églises orthodoxes, et d'y allumer un cierge quand
j'étais en voyage, juste avant une compétition.
Si vous aviez un message à transmettre ...
Accepter l'autre, ce n'est pas toujours facile. Je suis
particulièrement sensible au dialogue interreligieux. L'amour et la
tolérance permettent d'avancer, de vivre en paix avec soi-même, avec
les autres, mais aussi de grandir. Dans ma vie, j'ai reçu beaucoup de
coups bas, mais j'aimais quand même ceux qui me les donnaient. J'ai
choisi de mettre ma fille dans un collège catholique précisément pour
qu'on lui inculque ces valeurs qui sont essentielles à mes yeux. A
commencer par l'amour de l'autre !
par Ariane Warlin pour l'1visible Juin 2013