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TEMOIGNAGE DE SPORTIF DE HAUT NIVEAU
OLIVIER-PIERRE DIONGA

               Seigneur, à toi de jouer !

[Athlètes de Dieu 3/6] Pour mettre Dieu au cœur des prochains Jeux olympiques et paralympiques de Paris, nous donnons cet été la parole à des sportifs qui n’ont pas seulement la gagne, mais aussi la foi. Troisième volet, le joueur de football catholique Olivier-Pierre Dionga.

                   Alexia Vidot - 19/07/2024 - La Vie

J’ai commencé à taper dans le ballon à 6 ans, en bas de mon immeuble à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne). Dans les quartiers, le football est le sport populaire par excellence. Impossible d’y couper ! Avec mes copains, on passait nos après-midi sur le terrain à côté de chez nous, souvent jusqu’à la tombée de la nuit. Jouer ensemble nous stimulait et nous procurait une joie intense.

Je mangeais, je dormais, je vivais foot. Ma mère se souvient encore de cette remarque que je lui ai lancée un jour : « Je t’aime, mais je préfère le foot » (rires). Comme la plupart des jeunes de banlieue, je me suis mis en tête de devenir footballeur professionnel. Je rêvais de faire une grande carrière comme Zidane, Ronaldinho et Messi, mes maîtres.

Aller au bout de mes rêves

La réalité m’a vite rattrapé : au club de Créteil que j’ai intégré à 9 ans, j’étais bon, mais sans plus. De toute façon, même si j’avais été très bon, mes parents auraient refusé que je signe un contrat professionnel à 16 ou 17 ans comme l’on fait certains de mes camarades. Ils voulaient absolument que j’étudie.

Avec le recul, je comprends mieux leur position. Mes parents avaient consenti à mille sacrifices en quittant la République du  Congo pour s’installer en France. Ils avaient travaillé très dur pour offrir à leurs enfants ce dont eux-mêmes avaient été privés : la possibilité de faire des études, donc de trouver un bon travail, d’acquérir une certaine stabilité, de réussir socialement. Ils espéraient un retour sur investissement en quelque sorte !

En bon garçon, j’ai obéi. Mais une fois mon diplôme en poche, j’ai sauté sur une opportunité qui se présentait à moi : signer à l’US Ivry, un club de Nationale 3. J’avais déjà 23 ans, et c’était le moment ou jamais d’aller au bout de mes rêves, d’essayer de faire une petite carrière. Pour m’entraîner au maximum, j’ai négocié un mi-temps avec mon employeur.

Et j’ai même lâché l’aumônerie. J’avais toujours été engagé dans l’Église jusque-là. D’abord parce que j’ai eu la grâce de naître dans une famille catholique pratiquante ; ma mère a une foi solide, vivante. Et ensuite parce qu’un chrétien seul est un chrétien en danger, surtout dans les banlieues populaires comme la mienne où l’islam est très présent et actif. Ici, si tu n’es pas proche de Jésus, tu te convertis vite.

De fait, j’étais l’un des seuls catholiques de mon quartier, le seul de ma bande de copains qui, tous, étaient musulmans pratiquants. Alors, forcément, ma religion était un sujet de conversation, parfois vive : « Comment peux-tu croire qu’un homme puisse être Dieu et que Dieu puisse avoir un Fils ? Tu es polythéiste ? » Leurs questions me déstabilisaient, mais elles m’ont aussi poussé à me renseigner sur ma propre foi pour mieux la comprendre et l’expliquer.

Je voulais être prêt « à rendre raison de l’espérance qui est en nous, en moi », comme le conseille saint Pierre. « Mais avec douceur et respect » (1 Pierre 3, 15-16), ajoute-t-il, et c’est important. Au lycée, je me suis beaucoup raccroché à la messe et à l’aumônerie pour m’ancrer dans le Seigneur et j’ai ainsi peu à peu découvert le trésor de la foi chrétienne.

Au plus bas, Dieu m’a appelé

Seulement voilà, à 23 ans, j’ai mis toute mon espérance dans le football. Et rien ne s’est passé comme je le souhaitais… J’avais beau cocher toutes les cases, faire preuve de persévérance, de sérieux et de rigueur, je restais sur le banc des remplaçants. Dans ma prière du soir, comme Job, je criais à Dieu mon incompréhension : « Pourquoi mes efforts ne sont-ils pas récompensés ? »

Au fond, je ne priais pas pour que la volonté de Dieu se fasse. La mienne seule m’importait, ainsi que mes projets. Lors d’un match un samedi, mon entraîneur m’a demandé de m’échauffer à la 90e minute. C’était bon signe, j’y croyais ! Pile au moment où il m’a fait entrer sur le terrain, l’arbitre sifflait la fin du match. J’étais effondré. Désespéré.

Quand j’étais au plus bas du bas, c’est là que Dieu est venu me rejoindre et m’appeler. Il est d’abord passé par ma sœur qui a eu la drôle d’idée, en novembre 2018, de m’inviter aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) au Panamá. « C’est quoi ça, déjà ? », lui ai-je demandé avant de lui opposer un non catégorique. Je ne voyais aucun intérêt à y aller. Pire, si je partais au bout du monde, je risquais de perdre ma place dans l’équipe, et c’était inenvisageable.

Peu après, lors d’une soirée de louange, j’ai entendu l’hymne officielle des JMJ : « Me voici, servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. » Ce refrain, tiré de l’Évangile de l’Annonciation, m’a touché comme jamais. Je me suis senti poussé par l’Esprit saint à dire oui. Et je l’ai dit aussitôt ! Alors, toutes les portes, même les plus cadenassées, se sont ouvertes devant moi pour que je puisse me rendre au Panamá.
Être disponible pour le Seigneur

J’ai vécu durant ces JMJ une expérience spirituelle forte, je dirais même une conversion. Déjà, ce n’est pas rien de se retrouver au milieu de 700000 jeunes chrétiens du monde entier, joyeux et enthousiastes ! Rencontrer le pape François non plus, qui a un certain charisme, une aura. Mais c’est une catéchèse donnée par un évêque français qui m’a le plus saisi. Il a commenté pendant une vingtaine de minutes le « me voici » de la Vierge à l’Annonciation, et chacun de ses mots m’a parlé directement : être disponible pour le Seigneur et à son écoute, lui faire confiance pour tout et en tout, le laisser nous guider au lieu de vouloir tout contrôler…

Je me suis alors rendu compte que j’avais fait du football une idole à laquelle j’avais tout sacrifié, une religion avec ses rites, son culte de la performance et de l’argent. Au Panamá, j’ai donc décidé de remettre Dieu au centre de ma vie, en posant cet acte de confiance : « Me voici Seigneur, je te confie ma vie, à toi de jouer ! » Dès mon retour en France, mon coach m’a viré de l’équipe première. Voir partir en fumée six mois d’entraînement intense m’a déchiré, mais j’ai tenu ferme dans la foi. Et, une semaine après, mon entraîneur a été congédié ! Son remplaçant m’a réintégré et j’ai enfin commencé à jouer.

L’année suivante, j’ai repris mon engagement à l’aumônerie en devenant responsable d’une soixantaine de lycéens. Puisque c’était l’année du Fraternel à Lourdes, j’allais devoir m’investir, et sans doute rogner sur mon temps consacré au foot. Mais je savais que celui qui s’en remet en tout au Seigneur, et qui lui donne la première place, peut tout. Le soir de la veillée de louange qui rassemblerait plus de 300 jeunes, je devais avoir un entraînement de veille de match. J’ai annoncé à mon coach que je ne pouvais pas en être. Sa réaction m’émeut encore : « Occupe-toi de ta foi, je te fais confiance. »
Les valeurs du football

Malgré nos différences et nos divergences, il y avait du respect dans l’équipe, cette valeur si essentielle dans le sport, surtout collectif. Le foot est une bonne école pour apprendre à vivre l’unité dans la diversité, la fraternité, la solidarité, le souci de l’autre. On gagne ensemble, on perd ensemble. Du gardien à l’attaquant, chacun a sa partition à jouer dans cette symphonie. C’est pareil dans l’Église, où chacun est membre du corps du Christ. « Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie » (1 Corinthiens 12, 26).

Plus je m’abandonnais au Seigneur, plus il m’accompagnait, y compris sur le terrain. Oui, « je peux tout en celui qui me rend fort » (Philippiens 4, 13) ! La preuve : j’ai fini, cette année-là, dans le top 5 des meilleurs buteurs d’Île-de-France. J’ai pu rejoindre un autre club, l’US Créteil-Lusitanos, avec un revenu et une exposition plus intéressants.

J’ai même eu la chance de jouer quelques minutes en troisième division nationale, ce qui aurait été impossible avant. Cette évolution me donne de la joie et me rend fier. Je ne pense pas qu’être content de moi soit mauvais ; j’ai travaillé et souffert pour atteindre cet objectif, main dans la main avec Dieu, à qui je rends grâce. Quand on est fier au détriment des autres que l’on écrase ou néglige, là, c’est mal.

En cela, Olivier Giroud, actuellement meilleur buteur de l’équipe de France, est pour moi un modèle de footballeur chrétien. Critiqué, hué, persécuté, il n’a jamais dit un mot plus haut que l’autre ou alimenté de polémiques. Il est resté bon et simple, malgré la pression, les médias et les millions. Il porte sa croix, humblement. Il reste enraciné dans le Christ dont il expérimente la grâce dans la victoire, et surtout dans les difficultés.

Les étapes de sa vie
1995 Naît à Champigny-sur-Marne (94).
2018 Obtient un master en marketing et stratégie commerciale, puis signe à l’US Ivry.
2019 Vit une expérience spirituelle forte pendant les Journées mondiales de la jeunesse au Panamá.
2023 Devient vice-président de l’association Fide et rejoint le FC Montrouge.

L’association Fide
« En 2023, à Medjugordjé, j’ai entendu Dieu me dire : “C’est bien ce que tu fais à l’aumônerie, mais une mission plus grande t’attend.” Cela faisait deux ans que Janvier Hongla insistait pour que je rejoigne Fide qu’il avait fondé en 2020. Cette association de jeunes issus des banlieues d’Île-de-France et désireux de partager la foi chrétienne était dans une période de transition. J’ai proposé mes compétences pour la redynamiser. Les jeunes catholiques des quartiers populaires sont souvent isolés, d’où la nécessité d’un tel lieu où ils peuvent se rencontrer, prier, se former, mener des actions sociales ou d’évangélisation. »
Infos : fide-association.fr

Le saint patron des footballeurs : Luigi Scrosoppi
Le 22 août 2010, dans l’église de Pörtschach, en Autriche, Alois Schwarz, alors évêque de Gurk, s’exclame : « Enfin, tous les joueurs, les stades et les fans de football du monde entier ont maintenant un saint patron qu’ils peuvent appeler ! » Le saint en question, qu’une statue réalisée pour l’occasion représente un ballon rond dans les mains, est Luigi Scrosoppi (1804-1884). Le prêtre italien n’aurait sans doute jamais reçu un tel titre sans l’implication d’un certain Manfred Pesek.
Passionné de football, cet homme d’affaires autrichien s’était mis au défi de dénicher, parmi la foule innombrable des saints, une figure à même de susciter un sain(t) enthousiasme autour de ce sport, en particulier auprès de la jeunesse. Après une sélection difficile, son choix s’arrêta donc sur Luigi Scrosoppi. Sa proposition fut accueillie positivement puis soutenue par Alois Schwarz et Andrea Bruno Mazzocato, évêque d’Udine (la ville natale du saint italien), ainsi que par la section Église et sport du Conseil pontifical pour les laïcs.
Cette initiative exhume l’histoire de ce disciple du Christ canonisé par Jean Paul II en 2001. Lors de son homélie, le Saint-Père avait alors relevé que « la charité était le secret de son long et infatigable apostolat ». C’est en effet par amour qu’à peine ordonné le jeune Luigi est venu en aide aux orphelines d’Udine. Pour les accueillir dignement, il ouvre la Maison des abandonnées, dont il assure la stabilité en fondant ensuite la congrégation des Sœurs de la Providence.
En 1846, il entre dans la congrégation de l’Oratoire, dans les pas de Philippe Néri. Était-il adepte du ballon rond ? C’est ce que l’histoire ne raconte pas ! En revanche, il en a incarné, tout au long de sa vie, les plus belles valeurs : la persévérance, l’engagement, l’effort, la fraternité…