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DISCOURS DE JEAN-PAUL II
LORS DE LA BENEDICTION DU STADE OLYMPIQUE DE ROME

            En présence du président du Conseil Italien, M. Giulio Andreotti, de nombreux responsables sportifs et d'une assistance nombreuse, parmi laquelle se trouvaient des joueurs engagés dans le " Mondiale ", Jean-Paul II a procédé, le 31 Mai, à la bénédiction du stade olympique de Rome, qui a été agrandi et rénové à l'occasion de la XIV° Coupe du monde de football. Le Pape a prononcé le discours suivant.

                    Chers amis sportifs !

1. Dans quelques jours, ce stade - comme tant d'autres en diverses villes italiennes - deviendra le centre d'intérêt des passionnés de football du monde entier : il sera le lieu de la fête de la jeunesse, de la fête du sport.

Je remercie vivement M. Joao Havelange, président de la Fédération internationale de football ( FIFA ), M. Arrigo Gattai, président du Comité olympique italien, M. Franco Carraro, maire de Rome, pour les aimables paroles qu'ils ont bien voulu m'adresser. J'adresse mon salut déférent à M. le président du Conseil des ministres et à toutes les autorités présentes. Un salut particulièrement cordial à vous tous, amis sportifs, représentants des nations qui participeront à ce " Mondiale ", à vous, dirigeants et ouvriers qui avez contribué à la rénovation du stade. Avec le cardinal vicaire, je vous salue, jeunes de la ville de Rome, qui n'avez pas voulu manquer une manifestation si importante.

Ma pensée va également à tous ceux qui suivent cette cérémonie par l'intermédiaire de la radio et de la télévision, en de nombreux pays du monde. Je les salue tous avec affection.

2. J'ai accepté volontiers l'invitation qui m'a été adressée, à l'ouverture de la Coupe du Monde de football, de bénir ce stade olympique qui a été restructuré et agrandi. Ma présence veut exprimer, une fois encore, la sollicitude pastorale de l'Eglise pour le monde du sport. Dans les prochains jours, ici comme en d'autres stades, se donneront rendez-vous de nombreuses personnes de tous les continents. Dans la passion pour le sport, elles trouvent un coefficient d'entente qui les rapproche et les conduit à instaurer des rapports de confrontation loyale et d'amitié sincère. Ce sont là des valeurs auxquelles l'Eglise ne peut rester indifférente : en effet, elles sont étroitement liées au message de fraternité universelle qu'elle proclame.

Les diverses équipes seront appelées ces jours-ci à relever un défi d'autant plus exigeant : faire en sorte que chaque partie constitue un rendez-vous de loyauté, de détente et d'amitié. C'est là un engagement qui regarde non seulement les joueurs en compétition, mais tous les sportifs. En effet, la valeur de cette Coupe de football consiste fondamentalement dans le fait qu'elle offre l'occasion à beaucoup de gens, de cultures et de nationalités diverses, de se rencontrer, de se connaître, de s'apprécier réciproquement et de se divertir ensemble, en rivalisant loyalement et dans un esprit de correcte émulation, sans céder à la tentation de l'individualisme et de la violence.

Le sport est certainement une des activités humaines les plus populaires ; il peut avoir une grande influence sur le comportement des gens, surtout des jeunes ; cependant, lui aussi est sujet à des risques et des ambiguïtés. Il doit être orienté, soutenu et guidé pour qu'il exprime ses potentialités de manière positive.

Le sport est au service de l'homme, et non pas l'homme au service du sport, lit-on dans le manifeste souscrit par de nombreux athlètes, précisément en ce stade, le 12 Avril 1984, à l'occasion de leur jubilé international. Le sport, poursuit ce document, est joie de vivre, désir de s'exprimer en toute liberté, tension pour se réaliser soi-même complètement. Il est une confrontation loyale et généreuse, un lieu de rencontre, un lien de solidarité et d'amitié.

3. Oui, outre la fête du sport, le Mondiale de football peut devenir la fête de la solidarité entre les peuples. Mais cela présuppose que les compétitions soient envisagées pour ce qu'elles sont au fond : un jeu dans lequel le meilleur gagne et, en même temps, une occasion de dialogue, de compréhension, d'enrichissement humain réciproque.

Il faut donc identifier et éliminer les dangers qui menacent le sport moderne : de la recherche obsessionnelle du gain à la commercialisation de presque tous ses aspects, de la mise en scène excessive à l'exaspération combative et technicienne, du recours au dopage t autres formes de fraude à la violence.

Ce n'est qu'en retrouvant de manière efficace son but et ses potentialités d'éducation et de socialisation que le sport peut jouer un rôle important et concourir, pour sa part, à soutenir les espoirs qui font battre le coeur des hommes, spécialement des jeunes, en cette fin de siècle qui s'ouvre sur le troisième millénaire chrétien.

4. Sur les chantiers de travail, qu'il s'agisse de ceux qui sont ouverts en différentes villes pour restructurer les stades ou de ceux qui ont été mis en route pour offrir de nouveaux services, des milliers de techniciens et d'ouvriers se sont dépensés avec diligence. Malheureusement, au cours de ces travaux, certains ont trouvé la mort. En élevant vers le Seigneur ma prière de suffrage pour les victimes, j'exprime ma sincère participation à la douleur des familles si durement touchées.

La considération de ce coût humain, chers amis sportifs, vient confirmer mon souhait que les efforts et les sacrifices qui ont été faits fassent d'Italia 90 un moment de croissance dans la fraternité pour nos compatriotes et pour tous les hommes. L'attention au sport-spectacle qui, ces jours-ci retiendra l'opinion publique mondiale, ne doit pas faire oublier l'urgence des problèmes et des grandes attentes de l'humanité. Au contraire, elle doit persuader encore davantage tous les hommes que, en concentrant leurs énergies et leurs forces, en coordonnant leurs intentions dans une mobilisation générale, comme on l'a fait ici, il est possible d'affronter et de vaincre les grands défis de notre temps : la lutte contre la faim, la réalisation de la paix, la construction d'un monde où tout être humain soit accueilli, aimé et valorisé.

Ce souhait, qui se fait pressant encouragement et prière confiante, c'est à vous tous que je le confie.

5. Maintenant, je ne puis pas ne pas vous adresser un salut particulier, à vous, athlètes de si nombreux pays, qui êtes les véritables protagonistes de ce prochain Mondial. De tous les coins de la planète, c'est vers vous que regardent les sportifs. Soyez conscients de votre responsabilité ! Ce n'est pas seulement le champion dans le stade mais l'homme avec tout le caractère exhaustif de sa personne qui doit devenir un modèle pour des millions de jeunes qui ont besoin de leaders et non pas d'idoles. Ils ont besoin d'hommes qui sachent leur communiquer le goût de ce qui est difficile, le sens de la discipline, le courage de l'honnêteté et la joie de l'altruisme. Votre témoignage, cohérent et généreux, peut les inciter à affronter les problèmes de la vie avec d'autant plus d'engagement et d'enthousiasme.

Il est significatif que certaines expressions typiques du langage sportif - comme par exemple choisir, s'entraîner, discipliner sa vie, résister à la fatigue avec persévérance, se confier à un guide exigeant, accepter les règles du jeu avec honnêteté - ne sont pas inconnues des disciples du Christ. En effet, la vie chrétienne, elle aussi, requiert un entraînement spirituel systématique, puisque le chrétien comme tous les athlètes, s'impose une discipline rigoureuse. ( 1 Co 9, 25 )

6. Chers athlètes, de toutes les parties du monde vous êtes venus à Rome, antique résidence des Césars et centre éternellement vivant du christianisme. La ville éternelle met à votre disposition le patrimoine de ses souvenirs classiques et de ses valeurs chrétiennes. Sachez vous mettre à l'écoute de ce haut message humain et religieux qui vous est donné par tant de monuments et de vestiges chargés d'histoire. Ne soyez pas des hôtes distraits, incapables de comprendre les milles voix qui parlent de grandeur morale et, surtout, d'héroïsme chrétien, souvent exprimé jusqu'au suprême témoignage du sang !

Le Pape est ici parmi vous pour bénir ce stade rénové, mais il est ici surtout pour attirer votre attention sur les trésors que vingt siècles d'histoire chrétienne ont accumulé dans cette Ville par la contribution des générations entières de croyants. Que votre regard sache en recueillir les traces dans les édifices sacrés et profanes, dans les noms des rues et des places, dans les mots inscrits dans les pierres ou qui résonnent sur les lèvres des fidèles qui, aujourd'hui encore, peuplent ses temples.

Chers jeunes : vous constituez les forces les plus fraîches que les nations auxquelles vous appartenez ont envoyées pour cette confrontation sportive. Soyez fiers de ce choix mais ayez aussi conscience de la responsabilité qui est la vôtre de représenter dignement votre pays, en échangeant loyalement le don de votre enthousiasme pour la vie et pour tout ce qui la fait noble et grande. N'oubliez pas qu'il n'y a rien au monde qui soit plus noble et plus grand que ce que Jésus Christ nous a apporté, lui, le Verbe de Dieu incarné pour le salut éternel de l'homme.

En son nom, je forme le souhait que votre séjour à Rome, siège de Pierre et centre de l'Eglise, rapproche chacun d'entre vous des trésors de vérité et de vie que l'Evangile garde pour les hommes d'aujourd'hui et de demain. Que l'engagement sportif auquel vous vous apprêtez vous aide à aspirer aux fins les plus hautes auxquelles vous appelle le combat de la vie. Avec ces sentiments, je demande à Dieu de tourner son regard vers tous ceux qui prendront part à cette compétition, généreuse et loyale, afin qu'elle répande autour d'elle concorde et amitié.

Que la bénédiction du Seigneur Tout-Puissant soit dans vos coeurs et les comble de paix et de joie.