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DISCOURS DU PAPE PIE XI
A UNE DELEGATION DIOCESAINE ETUDIANTE DES JEUNES ITALIENS DE L'ACTION CATHOLIQUE

                     29 Juillet 1936

Sa Sainteté avait pu constater qu'au cours de leur Semaine, les participants avaient mené ensemble des activité  de spiritualité, de littérature et même d'alpinisme. Pas seulement de l'alpinisme « en eau douce », ( comme on disait autrefois ) mais précisément de l'alpinisme « en eau forte ».

À cet égard, les jeunes avaient voulu rappeler au Saint-Père, par l'intermédiaire de leur guide, que cela advint le jour même du 48e anniversaire de la plus haute et la plus difficile ascension dans les Alpes que lui-même avait faite, ajoutant que c'était possible parce que c'était précisément ce qui lui était arrivé quarante-huit ans auparavant.

Sa Sainteté a voulu souligner que ce qui avait été étudié et exposé au cours de la "Semaine" était la spiritualité bien comprise qui signifie l'activité de l'esprit dont la piété est la meilleure expression, non seulement théorique, mais aussi  pratique , de cette spiritualité que la Parole divine déclare utile pour tout : Pietas ad omnia utilis est.

Cela est tellement vrai que le Saint-Père a pu en faire lui-même l'expérience dans une sorte de conversation avec les hautes montagnes qu'il avait eue au cours de ses excursions. La vision de la haute montagne avait été comprise, avec un peu de spiritualité, de piété et d’une manière aussi vraie et aussi belle qu’il le souhaitait, comme une véritable révélation de Dieu dans l’ordre naturel.

À cette date, si tendrement rappelée par les chers jeunes gens, l'auguste pontife évoqua l’une des plus grandes révélations, - peut-être même la plus grande de Dieu dans l’ordre naturel- dont il avait été le spectateur au cours de sa longue vie. Jamais en réalité, il n'avait vu de si près, de manière visible, si accessible et si grande et, dans un certain sens mystique et sacré,  en terrible grandeur, que Dieu était béni.

Ainsi, il n’avait jamais entendu aussi bien la vérité de ces mots qui, sous tant de formes, reviennent si souvent dans les Saintes Écritures où les hauteurs méritent un éloge particulier pour Dieu le Créateur : Dominus in altis habitat: Gloria in excelsis Deo;
Il y a aussi  tant d'autres images de toute beauté artistique  comme lorsque, par exemple, le texte sacré décrit les montagnes d'un côté et les vallées de l'autre - pareilles à deux armées s'opposant sous le commandement de Dieu : Ascendunt montes, descendunt valles in locum quem posuisti eis.

Plus beau encore est ce passage que le prophète Habakkuk a chanté. Une véritable et grande beauté que Sa Sainteté avait pu voir se révéler au cœur d’une nuit indiciblement belle, grande et éloquente. Le prophète dit qu'il voit la montagne comme une silhouette qui, pour grandir sa gigantesque stature, lève haut les bras et les mains : Altitudo manus suas levavit !
Aucun grand artiste, pas même Doré,  n'a jamais atteint cette façon d'imaginer et de dessiner, qui dépasse l'imagination, même si elle est grandement aidée par la puissance de la représentation.

" Dominus in altis habitat ".

Le Saint-Père avait bien compris ce que le prophète voulait dire, alors que lui-même, depuis un sommet de 4 600 mètres, avait vu autour de lui, dans les environs immédiats, pas moins de 10 pics, 10 sommets  tous au delà des 4 000 mètres. Ils brillaient avec leurs glaciers, leurs neiges dans cette nuit merveilleuse: vraiment alors, il se souvint des paroles du prophète, voyant de ses propres yeux cette assemblée de géants levant les bras au ciel pour l'atteindre presque, pour se montrer encore plus grands.

C'était quelque chose de si intensément beau que le pape , même après tant d'années,  remercie toutjours le Seigneur de lui avoir permis de contempler et d'admirer. Il dit aussi, avec une paternelle bienveillance, qu'il voulait souhaiter  à tous ces enfants bien-aimés de voir quelque chose de semblable (sinon le même spectacle qui serait très difficile), dont la montagne est si généreuse, afin qu'ils puissent eux aussi partager tant de merveilles.

Et puis Sa Sainteté se souvint qu’à une autre occasion, lorsqu’il était à ses débuts , il atteignit une hauteur moins grande mais déjà tout à fait remarquable. C'était en ces heures où la montagne change d’aspect selon l'angle des rayons lumineux, avec les interférences des lumières et des ombres.  Les changements se manifestaient avec une telle rapidité et de manière si impressionnante que l'on désirait avoir  dans le cœur les mots suggestifs pour le décrire.

Mais voici que le bon guide qui l'accompagnait, un vieux montagnard connaisseur de milieu et qui avait vu ce spectacle mille fois, l'en empêcha d'une manière édifiante quand il se mit à genoux et dit : "Cher monsieur, nous devons prier ici".

Que déduire de tout cela ?
C’est la spiritualité et la piété qui viennent aider à bien interpréter toute la réalité et même celle des montagnes. Et il a ajouté que, plus facilement, plus largement, plus profondément la piété et la spiritualité aideraient à interpréter l'ensemble de l'histoire - tout comme le simple quotidien -  plus alors la dimension surnaturelle de l'existence serait ressentie et vécue. Toute l'histoire, qui ne peut être comprise sans cette vision que donne la piété, la spiritualité qui nous fait voir, commence à comprendre la pensée de Dieu, Son intention dans toutes ses œuvres.

De fait, le Saint-Père a ajouté qu'il y avait  des œuvres de Dieu qui étaient d'une évidente utilité; alors qu'il y en avait d'autres qui pouvaient laisser dans le doute et suggérer cette question : "Cui bono? Pour quel usage ?".

Mais, ce faisant, nous oublions que le but premier, la fin essentielle de toute l’œuvre de Dieu, et qui ne manque jamais dans toutes les choses créées, est de raconter sa gloire, d’honorer le divin Artiste.

Si l'on perd  cette vision toute spirituelle, combien de choses alors restent sans explication même dans la création, dans l'ordre naturel !

               traduction : père Raphaël Comiotto