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1° SEMINAIRE INTERNATIONAL DU VATICAN
Perspectives et ressources pour un renouvellement dans le sport par Edio Costantini


Le sport s'est propagé dans le monde entier à un degré extraordinaire, et au fil des années, il a acquis une importance croissante dans la vie des personnes de tous âges et de tous les statuts sociaux. Son caractère mondial est dû à sa variété exceptionnelle. Car il y a plusieurs façons de comprendre, d'organiser et de pratiquer le sport. Malheureusement, les nombreuses façons dont les sports sont pratiqués aujourd'hui ne sont pas toujours conçus pour le développement complet de la personne humaine, et ils ne construisent pas toujours une meilleure société, ce que revendique la philosophie du sport.

En regardant le monde du sport, nous ne pouvons manquer de voir émerger des tendances alarmantes, poussées par la culture dominante, comme la sélection impitoyable des plus aptes, l'aliénation des athlètes en tant que personnes, devenant alors des clients ou des marchandises dont le seul but est de générer le maximum de profits, l'usage indiscriminé des drogues pour améliorer les performances en compétition, le fossé grandissant entre le sport de haut niveau et le sport de masse de plus en plus souligné par la mondialisation, la volonté croissante de voir le sport simplement en termes politiques et financiers, et la soumission du sport à la logique de la puissance économique. Tout cela est amplifié par le développement en spirale des médias de masse qui projettent des modèles comportementaux basés sur l'égoïsme, l'individualisme, le consumérisme et l'exploitation de la personne humaine. La situation actuelle est alarmante pour ceux qui se préoccupent de promouvoir un sport accessible à tous, de portée éducative et fondé sur la justice et la solidarité.

A la lumière de ces enjeux, les associations sportives, notamment les associations catholiques, ne peuvent pas se contenter d'être présentes dans le monde du sport, mais elles doivent affirmer leur identité spécifique, se mettre au service des hommes et des femmes et faire ressortir les réelles priorités dans le sport de compétition. Nos athlètes ne peuvent pas être relégués à être de seuls «consommateurs» du sport. L'exercice physique est certainement d'une importance fondamentale, mais ce n'est pas le seul aspect. Le premier et le plus important objectif du sport doit être de favoriser l'avancement de la personne qui le pratique.

Car nous ne devons jamais oublier que parmi les "historiques" objectifs du sport - le développement harmonieux du corps, la socialisation, la protection de la santé - sa fonction éducative a toujours été essentielle, une fonction qui n'est pas prise en compte aujourd'hui. Et pourtant, il est évident que c'est un élément indispensable, compte tenu de l'espace que le sport occupe dans la vie des jeunes aujourd'hui. Tout sport qui n'est pas concerné par la formation du capital humain de demain perd la plus grande partie de sa signification et de sa valeur sociale.

I. Le risque de vider le sport de la dimension éthique

La détérioration de l'éthique sportive est au cœur de la disparition de la fonction éducative de soutien. Le fait que le sport court le risque de perdre une âme éthique est connu de tous, et a été souligné plusieurs fois, dans un langage tout à fait franc, par Jean-Paul II pendant son pontificat. Car le sport n'est pas à l'abri du processus par lequel les sociétés contemporaines se vident de leur dimension éthique et souffre aussi des manières et des modes avec la substance ou les valeurs humaines, basées sur l'égoïsme, la compétition poussée à l'extrême et la commercialisation.

A cet égard, Jean Paul II a exhorté les associations sportives à s'engager à ce que leur mission ne soit pas seulement de promouvoir la compétition, mais aussi de contribuer à " répondre aux questions profondes que les nouvelles générations posent sur le sens de la vie, son orientation et son but. " Ces mots fournissent la clé pour interpréter le moment présent. Nous devons nous réconcilier avec le processus général de déchristianisation et une culture éducative faible, laxiste et permissive : la famille, l'école et les paroisses ont du mal à renouveler leurs propositions et les instruments à leur disposition. La culture matérialiste et individualiste qui a été imposée ces dernières années tend à dépouiller l'âme humaine de l'espoir de l'éternité, nous éblouissant de promesses de bonheur illusoire liées à la consommation, et faisant perdre aux gens le sens de la lutte, de la réalisation et du sacrifice pour un but.

Dans ce contexte, les associations sportives catholiques doit être engagé à témoigner des valeurs chrétiennes que le sport promeut, à agir comme une conscience critique, d'exprimer ouvertement son opposition aux choses négatives qui affectent la pratique du sport et d'avoir un impact positif dans les forums chargés de promouvoir et de renforcer la fonction sociale du sport. Cela exige non seulement une compréhension réaliste de la situation actuelle afin de discerner entre ce qui est vraiment "essentiel" et ce qui est purement technique ou organisationnel, mais aussi une interprétation prophétique. Ce dernier rend capable d'accepter le changement, combinant le nouveau et l'ancien, et d'évaluer avec succès les signes de crise de plus en plus évidents aujourd'hui, et menace les racines éthiques du sport lui-même.

Nous sommes donc appelés à une grande mobilisation pour libérer le sport de toutes ces contraintes économiques, politiques et idéologiques qui lui ont volé le sens. Nous sommes appelés à faire en sorte que, avant toute chose, le bien de la personne et la valeur non négociable de la vie humaine soient respectés.

II. La puissance éducative du sport

Le Saint-Père Benoît XVI, dans son discours aux jeunes de Cologne pour les Journées Mondiales de la Jeunesse, a déclaré que " dans leur cœur, les gens ont toujours et partout prévu un changement, une transformation du monde. " L'acte central de ce changement qui peut renouveler le monde, a-t-il dit, est la transformation substantielle qui a été accomplie à la Cène, en faisant du pain dans son corps et du vin dans son sang, quand la violence s'est transformée en amour et la mort en vie. Cette victoire de l'amour sur la haine est décrite par Benoît XVI comme " l'incitation à la fission nucléaire " au cœur même de l'être, capable de " déclencher une série de transformations qui vont peu à peu changer le monde ". Ce sont des mots qui ont beaucoup à dire au monde du sport, qui a certainement besoin de grandes transformations, compte tenu de la confusion qui y règne, de la perte de qualité et de la perte de sens dont il souffre actuellement.

Ce qui est le plus regrettable, c'est que le sport n'est plus présenté comme un moyen de former de nouvelles générations, mais uniquement pour des intérêts économiques et pour un spectacle public, reniant ainsi ses valeurs les plus anciennes et ne respectant pas ses responsabilités à la société contemporaine.

Mais cela ne doit pas nous décourager. Car il y a encore des hommes et des femmes qui s'engagent à réaliser une véritable renaissance du sport, à lui redonner sa valeur originelle et à la réhumaniser. Le renouveau du sport est possible, mais cela dépend de nous, et jusqu'à quel point nous sommes en mesure de permettre cette explosion intime du bien, dont le Saint-Père a parlé, de suivre cette course et de déployer sa capacité à influencer tout ce qui l'entoure et pour transformer des vies.

Le véritable défi auquel le sport doit faire face aujourd'hui est de caractère éducatif. L'une des urgences de la société contemporaine est certainement la nécessité d'attirer les jeunes loin du néant, des banalités et de la médiocrité qui nourrissent l'ennui, la solitude et la crise.  Je crois, à cet égard, que malgré tous les problèmes que je viens de mentionner, le sport a encore beaucoup à offrir aux jeunes.

Notre engagement - l'engagement de toutes les personnes engagées dans le monde sportif, les responsables sportifs et les managers - doit être de promouvoir des activités sportives, culturelles et récréatives impliquant le plus grand nombre possible de jeunes et leur permettant non seulement de se dévouer à un sport en particulier, mais quelque chose d'encore plus précieux: la source d'espoir qui ne les laissera pas tomber, car c'est précisément dans leurs années de jeunesse que nos paroles et nos actions peuvent les inspirer à trouver un sens à leur vie.

Chaque jeune aspire au bonheur, et c'est précisément dans ce désir que nous trouvons les racines de la valeur éducative du sport. Le sport, qui implique des épreuves et des sacrifices, des sensations fortes et des déceptions, des objectifs à atteindre et à renouveler continuellement, est une grande école de vie. L'entraînement pour le sport peut donc devenir le moyen le plus facile et le plus direct de travailler pour la vie.

III. Restaurer un visage et une âme au sport

La Convention internationale qui s'est tenue à la veille du Jubilé des sportifs en 2000 a abordé un thème très intéressant, " le visage et l'âme du sport ". Je pense que, particulièrement aujourd'hui, le visage et l'âme du sport ne coïncident pas souvent. Il y a un grand écart entre l'attrait généralisé pour les valeurs nobles du sport et les occasions de grands événements sportifs, et l'absence de ces valeurs dans le sport au quotidien. On entend souvent dire, par exemple, que les idéaux olympiques favorisent la tolérance, la fraternité et la paix entre les peuples. Au nom de ces idéaux, les trêves olympiques sont souvent invoquées pour suspendre les guerres et les conflits armés pendant toute la durée des Jeux Olympiques. C'est certainement admirable. Cependant, le sport rendrait l'argument beaucoup plus crédible s'il était le premier à déclarer qu'il était prêt à suspendre les compétitions sportives pour attirer l'attention du public sur les arguments en faveur de la paix.

Pourtant, nous avons à faire face à un monde de sport qui est rempli de contradictions et a peu ou pas d'idéaux puissants ou de la volonté de renouveau. Conscients de ces contradictions et de ce décalage entre les valeurs proclamées par le sport et les valeurs qu'il pratique, entre son visage public et son âme privée, les acteurs du monde du sport doivent s'engager à récupérer un sport pouvant jouer un rôle efficace pour répondre aux besoins d'aujourd'hui.

Le sport a besoin d'une âme capable de parler aux jeunes des idéaux éternels. Il a besoin d'un visage qui reflète ces idéaux. C'est la tâche qui incombe à tous et qui peut certainement être développée à partir de la base. Pour renouveler le sport et lui permettre de redécouvrir sa véritable nature, il n'est certainement pas nécessaire d'attendre que les principales associations et institutions sportives mettent en œuvre leurs propres politiques d'amélioration. Le sport possède ses propres ressources, sur lesquelles tous peuvent puiser, pour surmonter les risques et les ambiguïtés, et devenir véritablement un véhicule de valeurs, et une sphère de promotion de la culture, de l'humanité et de la civilité.

IV. Les piliers d'un sport qui éduque

Que peut-on alors faire pour que le sport retrouve des idéaux cohérents avec une éthique solide et pour devenir un outil significatif pouvant être utilisé par les individus et les sociétés et promouvoir ainsi le sport qui peut créer la condition d'une vie riche en espérance ? Je crois qu'il y a trois piliers sur lesquels nos actions doivent être fondées : 1) la valeur non négociable de la personne humaine, 2) la valeur du bénévolat dans le sport, 3) la valeur des associations sportives.

La valeur non-négociable de la personne humaine

Dans son discours aux participants au Congrès sur le sport et l'éthique, tenu par la Conférence épiscopale italienne en 1989, Jean-Paul II a souligné le fait que " les conditions éthiques de la personne dans les sports et les différentes situations d'organisation athlétique relativite au sport en ce qui concerne le primaire de la personne, soulignant ainsi le rôle subsidiaire du sport dans le plan créatif de Dieu ". La réhumanisation du sport et la restauration de sa dignité et de sa valeur, ce qui en fait un moyen de répondre à des besoins humains profonds, n'est donc possible que si la personne humaine est la pièce maîtresse de toute réflexion sur le sport. Car la pratique du sport, destinée à permettre à ceux qui la pratiquent de se développer et de grandir, les encourage à s'engager quotidiennement à pratiquer et à diffuser les valeurs d'amitié, de camaraderie, de solidarité et de paix, contribuant ainsi à l'avènement de cette " civilisation de l'amour ", le but pour lequel Jean-Paul II nous a encouragés à lutter. À une autre occasion, il a observé que le potentiel du sport en fait un véhicule important pour le développement global de la personne et un élément très utile dans la construction d'une société plus humaine. Nous devons donc encourager la définition d'un sport capable d'offrir un projet culturel et éducatif spécifique, et dont la référence constante est le développement intégral de la personne.

La valeur du bénévolat

Nous avons déjà dit que le sport est éducatif quand certaines conditions sont réunies, et surtout si ceux qui travaillent dans le monde du sport veulent vraiment le rendre éducatif. La première condition pour ceux qui travaillent comme bénévoles dans les sports de la jeunesse, c'est qu'ils ont une passion pour l'éducation, ce qui nécessite une réelle préoccupation pour la vie de ceux qui leur sont confiés, malgré les difficultés que cela comporte. Cette passion pour l'éducation est l'aspect unique qui caractérise les
volontaires dans les sports de jeunes. C'est aussi la ressource fondamentale dans le sport et distingue les simples prestataires de services des véritables éducateurs, qui, en vertu de leur engagement, ont la détermination et la motivation de nager à contre-courant, de faire face à des situations difficiles. Ils sont aussi un signe d'espoir dans le sport, à travers le sport et pour le sport.

Dans leurs années de formation critiques, les jeunes ressentent le besoin de créer leur propre projet de vie, de se sentir utiles dans la société et de trouver des modèles solides sur lesquels s'inspirer. Cela est rendu d'autant plus difficile aujourd'hui par les nombreux changements sociaux en cours. D'où le besoin urgent d'éducateurs sportifs capables d'être beaucoup plus que des enseignants de techniques ou des entraîneurs de compétences physiques. Ils doivent aussi savoir comment se faire accepter de ces jeunes, les diriger et les accompagner sur leur chemin, leur donnant ainsi de l'espoir. En effet, en agissant ensemble, ce qui est typique de l'éducation, ils peuvent favoriser le plein épanouissement des jeunes hommes et des jeunes femmes et renforcer leur estime de soi, leur identité, et donc leur autonomie. Seul le type de sport qui sait éduquer les gens dans les fondements éthiques de la vie - la responsabilité personnelle, la valeur de la relation aux autres et la solidarité - peut donner aux jeunes les certitudes dont ils ont besoin, en leur expliquant que le chemin des valeurs et des idéaux est celui qui leur convient, afin de construire leur propre identité et d'atteindre les besoins des autres.

La valeur des associations sportives

Dans la plupart des pays européens, le tissu social s'effrite progressivement depuis plusieurs décennies et les effets pour la jeunesse d'aujourd'hui - marginalisation, propagation de la toxicomanie et de la violence urbaine - sont des choses que nous connaissons trop bien. Dans un environnement social aussi faible du point de vue des possibilités d'éducation et de formation, les associations sportives peuvent certainement apporter une contribution précieuse à la société civile parce qu'elles ont les moyens d'encourager la mise en œuvre de programmes et de politiques pour la jeunesse. identités de groupe et développer la capacité de relation et de favoriser l'inclusion. Certaines associations conçoivent même et mettent en place des réseaux nationaux et internationaux capables de former les jeunes, et de soutenir le travail des familles et des agences éducatives, et de diffuser une culture d'intégration entre les pays afin de résoudre les problèmes posés par l'immigration.

Il est certainement possible d'atteindre ces objectifs grâce au travail des clubs sportifs et des associations où la valeur formative du sport peut être pleinement déployée car, en plus d'être des lieux de pratique sportive, ils offrent également des conseils, une écoute, une communauté, et une réhabilitation. Si ces clubs doivent apporter une réponse définitive aux demandes d'aujourd'hui, ils doivent être configurés non seulement comme des fournisseurs de services sportifs, mais aussi comme des chemins de vie importants, axés sur des valeurs fondamentales. Des clubs sportifs dynamiques sont donc nécessaires, toujours prêts à écouter les besoins humains et éducatifs dans leurs localités, ouverts à la coopération avec d'autres organismes éducatifs (familles, écoles, paroisses ...) et prêts à accueillir tout le monde, en particulier ceux qui ont le plus grand besoin de soutien pour leur formation et leur éducation. Les activités de ces clubs doivent être des expériences de vie authentiques, axées essentiellement sur la nécessité d'aider chaque athlète à donner le meilleur d'eux-mêmes, que ce soit à l'entraînement ou en compétition, à l'école, en groupe ou à la maison.

V. Conclusion

Le sport n'est certainement pas une panacée pour tous les maux du monde perturbé d'aujourd'hui, et en particulier le monde des jeunes. Mais il ne fait aucun doute que c'est une activité humaine extrêmement populaire qui peut être utile pour établir des modèles et influencer très utilement la structuration des personnalités et des modèles comportementaux. Car la pratique sportive est un moyen important de développement humain et social, si elle s'inscrit dans un contexte éducatif spécifique et clairement défini, car elle permet aux individus d'acquérir des qualités et attitudes essentielles dans la vie, telles que la connaissance de soi, l'autocontrôle, la capacité de concourir, de coopérer et d'accepter des sacrifices pour atteindre un but, et accepter la victoire et la défaite de bonne grace.

Les éducateurs s'accordent à dire que la pratique du sport est très importante pour les jeunes, car elle oblige les garçons et les filles à utiliser activement leurs énergies psychophysiques pour agir de manière délibérée, établir des relations très étroites avec leurs contemporains et structurer leur temps libre. Ce sont des compétences qui, si elles sont acquises à l'adolescence dans un environnement sportif, sont utiles aux personnes de tous âges et dans toutes les sphères de la vie.

En conclusion, je voudrais partager avec vous mon profond désir que ce séminaire soit, comme l'a dit Jean-Paul II au Jubilé des sportifs, l'occasion de trouver un nouveau zèle créatif et motivant, afin que le sport, sans perdre sa vraie nature, puisse répondre aux besoins de notre temps: le sport qui ... libère les jeunes des pièges de l'apathie et de l'indifférence, et suscite un sain sentiment de compétition en leur sein; ... le sport qui contribue à l'amour de la vie, enseigne le sacrifice, le respect et la responsabilité, conduisant au plein développement de toute personne humaine.