Ancien
danseur professionnel, ce jeune prêtre de Vernon ( Eure ) a monté une
comédie musicale avec plus de quatre-vingts de ses paroissiens.
Il s'assoit dans l'un des
fauteuils de son bureau, retire ses lunettes rondes à monture dorée et
ferme les yeux pour mieux se souvenir du parcours peu commun qui l'a
conduit ici. Presque étonné de sa trajectoire, le père Franck Legros
est aujourd'hui l'un des deux curés de la paroisse Notre Dame, à
Vernon, dans l'Eure, en Normandie.
Prêtre depuis l'an 2000 après avoir été
danseur professionnel, il signe toujours d'un d majuscule les documents
à parapher. Un D qui symbolise les deux passions de sa vie : Dieu et la
danse. Aussi loin qu'il se souvienne, le père Franck a toujours eu les
deux en lui. Enfant, mes parents m'ont envoyé au catéchisme parce que
c'était comme ça. Je n'en garde pas de grands souvenirs ! C'est
l'époque où, dans l'église de son village, il se recueille souvent
devant une statue de Sainte Thérèse de Lisieux, bien persuadé qu'il
implore la Vierge Marie. Le jeune Franck érige même à côté de son lit
une sorte de petit autel. Au grand dam de ses parents ...
En dehors de sa chambre,
Franck fait des étincelles sur scène. A 14 ans, il entre au
conservatoire de danse de Rouen. Il en ressort à 17 ans avec une
médaille d'or. La voie royale. Le jeune ballet de France signe un
contrat d'un an. Avec cette troupe, il part en tournée en France, au
Moyen-Orient et en Afrique de l'Est. Il est reçu dans les ambassades
alors que, dans la rue, les gamins s'accrochent à ses basques pour
quémander un peu d'argent ou de quoi manger. En Afrique, il sera
retourné par les injustices sociales et la misère.
Pour Franck, approche ce
qu'il appelle aujourd'hui le grand jour, le D Day de sa vocation. Alors
qu'il danse pour l'opéra de Düsseldorf ( Allemagne ), une répétition se
passe mal. Il rentre chez lui, s'assoit seul à sa table. Là, trois
questions se sont imposées à moi : Qu'est ce que le bonheur ? Qu'est ce
que réussir sa vie ? Au jour de ma mort, qu'aurais-je fait pour cela ?
Et j'ai compris qu'un jour les projecteurs s'éteindraient, que les
spectateurs n'applaudiraient pas éternellement, et que je ne pourrais
pas danser toute mon existence. Je faisais fausse route. Il m'est
apparu alors que c'est sur Dieu seul que je devais construire ma vie et
mon bonheur.
Malgré quelques craintes, il
éprouve à ce moment-là une grande joie. Franck va jusqu'au terme de son
contrat, puis quitte l'Allemagne pour entrer au séminaire
d'Issy-les-Moulineaux ( Hauts-de-Seine ) en 1992. Sans le bac, qu'il
n'a jamais passé. Durant mes années de séminaire, j'ai ajusté beaucoup
de choses, explique-t-il. Lui que son passé d'artiste, rétif à la
hiérarchie ecclésiale, avait fait passer pour un rebelle, se transforme
au cours des ans. Je n'aimais ni le latin ni le col romain, et je
comprenais pas le rôle du pape dans l'Eglise, souligne-t-il
malicieusement. Depuis son diaconat, il porte le col romain. Une grande
photo de Jean-Paul II saluant la foule est bien mise en valeur devant
la fenêtre de son bureau. Une évolution qui n'a pas plus à tous ...
Depuis trois ans, le père
Franck vit comblé dans sa paroisse de Vernon, son premier poste. Selon
lui, les gens ont gardé ici le sens de la prière, le sens du prêtre. Et
le sens de l'initiative, puisque ce sont eux qui ont émis l'idée de
créer la comédie musicale : le roi David. Les deux premières
représentations, à Vernon, ont attiré près de mille spectateurs.
Quatre-vingts personnes, jeunes et moins jeunes, ont travaillé à ce
projet. Et s'il ne danse pas, c'est bien le père Franck qui met en
scène.
article rédigé par Benjamin Coste pour la revue : Famille Chrétienne