PERE FELIX FOUQUET : PRETRE MULTISPORTS !
J'ai passé une partie de ma vie _ et la plus heureuse, comblée, mais la
plus exigeante _ avec les sportifs, ceux toujours de la base, des
débuts et des reprises incessantes, et, peu à peu ceux de la haute
compétition. J'ai ainsi participé, à titres divers, à huit Olympiades,
dont deux comme aumônier officiel des villages olympiques, à Mexico en
1968 et Munich en 1972, à de nombreux championnats du monde de
spécialités ( quatre d'athlétisme, deux Coupes du monde de football,
entre autres présences inoubliables ).
Me reste la ferveur ! Aujourd'hui, à table, les collègues m'interrogent
parfois ... et me moquent gentiment quant à cet « intérêt » porté à un
monde de vedettes trafiquées, fabriquées, où drogues, violences et fric
sont le quotidien. Eh bien, j'ai appris, sur le terrain authentique où
l'on s'exerce, s'efforce, s'évalue et parfois se cogne, que les drogues
sont toujours ennemies du corps sain, de l'esprit sain, de l'âme saine,
que la violence peut se maîtriser, même dans la chaleur du contact et
la douleur de la défaite, que le fric ne se gagne pas dans le sport (
il s'y dépense surtout ! ) ... sauf exception ! mais que le gratuit du
jeu, la joie sans prix de la convivialité s'y découvrent et
maintiennent, aujourd'hui comme hier. Reste le champion, bien sûr, si
attractif et exposé _ et ce d'autant plus que son métier ou sa réussite
sont si fugaces et si fragiles !
Qu'ai-je surtout aimé dans le sport ? Sûrement l'élan de la vie !
Sauter les murs, passer les obstacles, franchir les cols, ou tout
bêtement aller de l'avant, larguer l'amarre, quitter le port, prendre
le large ...
Oui, je sais que grâce à lui, à eux, on va :
_ du plaisir passager... à la joie profonde ;
_ de la facilité du spontané (les « doués »)... à la rudesse et à la fatigue de l'acquis ( les « travailleurs » ) ;
_ de l'individuel ( ô combien aimé pour soi )... au collectif ( si patiemment cherché, mais quel bonheur ! ) ;
_ de l'esprit compétitif ( assez « naturel », « fait » et « réel »
inscrits dans certains tempéraments ) ... à un humour-sagesse fait de
préférences nettes, de colères rentrées, de discussions colorées, et
toujours ce penchant effréné et difficilement réprimé d'envoyer tout le
reste promener lorsque la TV retransmet cette part jamais bien
maîtrisée de mon enfance joueuse et libre ... si libre !
_ de toutes les solitudes, angoisses, indifférences, malheurs divers
... à la convivialité, aux vraies conversations, à la merveilleuse
socialité.
Ainsi, j'ai toujours été frappé par les deux « mondes » de distance :
celui des vestiaires sportifs et celui des salles de profs en lycée ...
Là, les corps sont reconnus ... et les coeurs avec les esprits se
rapprochent, sont « prêts ». Ici, les esprits se reconnaissent peu et
les corps comme tout le reste sont coincés, à des galaxies les uns des
autres, prêts à rien ensemble.
Ferveur, ai-je dit. Oui, je devrai toujours au sport, au sport
pratiqué, au sport enseigné sur les terrains, montré et offert aux
enfants au pied des HLM, théorisé mais au plus vif pour les étudiants,
je lui devrai d'être entré peu à peu mais sûrement dans une
compréhension plus fine du sens de l'homme, et de tout homme, quel que
fût son don de départ.
article rédigé pour la revue : La Croix 30/06/98