Un curé dans la mélée / le père Gérard Batisse : l'archevêque de l'ovalie
Prêtre et ancien rugbyman, le père Gérard Batisse est logiquement devenu
l'aumônier non officiel de la famille rugby ...
Le pape du rugby, l'archevêque de
l'ovalie, etc ... Les surnoms ne manquent pas pour évoquer le père Gérard
Batisse, ancien international de rugby à XIII, trois quarts centre puis
entraîneur du Toulouse Olympique, le curé de Balma, cité mitoyenne de la
ville rose, en connaît un rayon en placages, ouvertures et autres cadrages
débordements. Ma vie est un match de rugby, s'amuse le prêtre de 55 ans,
bientôt trente ans de sacerdoce, avec l'accent rocailleux du Sud Ouest. Sur un
terrain comme en Eglise, j'aime gagner avec ceux avec qui je joue.
Copain des Herrero, Spanghero et
autres gloires du passé, il continue de marier, baptiser ou enterrer les
membres de la famille ovale. Récemment, les enfants de Thomas Castaignède ont
reçu le baptême de ses mains. S'il ne chausse plus aujourd'hui ses crampons,
les cervicales en miettes, il a longtemps baladé son sacerdoce que les terrains
de France et d'Europe. Après mon ordination en 1979, j'ai proposé à mon
évêque, Mgr Colini, d'arrêter. Il m'a répondu : Continuez ! On ne peut pas
dire que l'Eglise soit surreprésentée dans ce milieu.
Le bon Dieu est treiziste, c'est certain !
Jeune vicaire à Muret ( Haute
Garonne ), avec un curé arbitre de football !, il a l'autorisation de
s'échapper régulièrement pour aller disputer rencontres internationales et
matches de championnat. Sa discipline, c'est le rugby à XIII, cousin moins
médiatique que le jeu à XV. Le bon Dieu est treiziste, c'est certain. Douze
apôtres plus Jésus, ça n'a jamais fait quinze !, plaisante-t-il.
De cette époque, il a gardé des
anecdotes qui rempliraient plusieurs tomes d'une même saga. Il se souvient de
cette victoire à Albi contre les ogres australiens. Un peu comme si Carrefour
affrontait l'épicier du coin ! Des victoires acquises au corps à corps avec
des coéquipiers agriculteurs, maçons mais aussi médecins, officier de police
ou encore proxénète ! Un folklore incroyable !, se rappelle-t-il. Aux côtés
de ses coéquipiers singuliers, il se régale de combats contre les anglais qui
ont cette drôle de particularité de ne pas aimer gagner mais d'adorer vous
voir perdre. Des anglais toujours généreux ... Dans ce genre de match, on est
content d'avoir une ligne de gros devant soi, capables d'aller mettre la tête
où je n'aurais pas mis un pied ! Car, comme le soulignait avec humour le
célèbre abbé Pistre qui commenta, dans les années 60, le Tournoi des V
nations aux côtés de Roger Couderc : Il y a plus de joie à donner qu'à
recevoir !
Avec ses souvenirs en noir et blanc
dignes des Tontons flingueurs, le père Batisse goûte peu l'évolution du rugby
moderne : un entraîneur futur secrétaire d'état faisant de la pub pour du
jambon, des joueurs posant nu dans des calendriers ... Nous n'aurions jamais
fait ça. Il s'inquiète de voir son sport devenir un but de réussite et non
plus un moyen de rencontre et de partage. Notre ambition était de réussir
notre vie ; aujourd'hui, le rugby devient un moyen de réussir dans la vie,
nuance le curé qui fustige le cancer des " 3 P " ; pognon, pouvoir et
paraître. Les jeunes sont de plus en plus fragiles par rapport à la réussite
sociale.
Fidèle à la phrase de Jean-Paul II
selon laquelle il aurait l'éternité pour se reposer, le père Batisse,
également aumônier de la gendarmerie, n'a pas pris un suel jour de congé
depuis .... le 25 mars 1978 et un France Angleterre au stadium de Toulouse ! Je
n'en suis pas fier, mais chacun sa pathologie !, lancet-il. Pendant que les
autres prêtres étianet en vacances, il a assuré cinquante cinq mariages cet
été. Il n'en demeure pas moins un pasteur heureux. Dans le rugby comme dans l'Eglise,
il faut savoir " se mettre minable " pour les autres.
article de Famille chrétienne n°1549, septembre 2007, par benjamin Coste,