ENGAGE SUR DEUX TERRAINS
Arbitre de football et curé de profession, François-Xavier Amherdt
démontre que les deux domaines qui lui tiennent à cœur ne sont pas
aussi contradictoires qu’on veut bien le dire. Rencontre avec ce
Valaisan qui associe volontiers sport et religion.
Curé à Sierre, François-Xavier Amherdt est aussi instructeur et inspecteur pour ses collègues arbitres (Le Nouvelliste)
Curé des paroisses de Sainte-Croix et Noës à Sierre (VS),
François-Xavier Amherdt est docteur en philosophie et en théologie de
l’université de Fribourg, mais également arbitre de football. Depuis
vingt-six ans, il se plaît à troquer régulièrement son aube blanche
pour la tenue d’homme en noir, avec notamment cinq années passées au
niveau de la Ligue nationale suisse. Licencié en sciences bibliques, il
a fait paraître deux ouvrages de méditations sur les saintes Ecritures.
Le second tome s’intitule «Dieu est arbitre» et illustre l’actualité
des Evangiles à l’aide d’anecdotes et d’images sportives.
– François-Xavier Amherdt, comment vos paroissiens réagissent-ils face à votre passion pour le sport?
On reproche souvent à l’Eglise d’être distante. Le prêtre doit donc
essayer de se mêler aux gens. L’arbitrage, tout comme le sport en
général ou la musique, est pour moi une ouverture d’esprit et une base
métaphorique pour mes homélies. A mon arrivée à Sierre, les paroissiens
m’ont avoué leurs craintes d’entendre à chaque messe des sermons
inspirés d’événements sportifs. Je n’en abuse pas et tâche plutôt de
faire intervenir l’actualité et le vécu des gens.
– Quelles sont les qualités d’un bon arbitre?
L’esprit de décision rapide et le courage sont des éléments clés. Il
faut également savoir être clair et capable d’adapter ses méthodes aux
différentes psychologies des joueurs. Finalement, l’impartialité est
évidemment de rigueur en toute situation.
– On dit d’un arbitre qu’il a été bon si on ne l’a pas remarqué...
Le prêtre est un intermédiaire entre Dieu et son peuple. Tout comme
lui, l’arbitre doit savoir se mettre au service des gens. La mise en
valeur n’est pas dans son intérêt. Les palabres sont à éviter au
maximum. Si un directeur de jeu commence à se justifier, il perd
beaucoup de sa crédibilité et les joueurs tenteront d’exploiter cette
faiblesse.
– Eprouvez-vous une certaine réticence à siffler la défaite d’une
équipe qui a du cœur, face à une formation antipathique et agressive?
Non, je m’efforce de ne pas avoir d’état d’âme. Je m’interdis ce genre
de sentiments lorsque je suis sur un terrain de football. Il est dit
dans la bible que Dieu fait pleuvoir sur les justes comme sur les
injustes. Je protégerai impitoyablement les plus faibles des fautes
commises contre eux, mais je ne les favoriserai en aucun cas.
– Avez-vous le souvenir d’une erreur particulière, commise en tant qu’arbitre?
A mes débuts, je me souviens avoir sifflé un penalty en fin de match,
pour une faute tout à fait anodine. L’équipe sanctionnée avait concédé
le match nul et avait été reléguée. Je dois dire que j’avais regretté
ce manque d’expérience.
– Dans la religion chrétienne, on refuse les idoles, qu’en est-il des footballeurs que vous avez admirés?
Je suis un grand supporter de la Squadra Azzura et du Milan AC.
J’aimais voir évoluer des joueurs comme Gianni Rivera ou Dino Zoff. En
Valais, j’appréciais Fernand Luisier. Issu d’un petit club, il est
pourtant allé très loin. Le terme d’idolâtrie ou de fanatisme n’est
cependant pas applicable à ce que je ressentais.
– Quel est votre position face à l’évolution de l’arbitrage et à l’éventuelle utilisation de la vidéo?
Je trouve que la manière de siffler s’accorde bien au football moderne.
L’emploi de trios arbitraux fixes serait à mon sens bénéfique, grâce
aux automatismes qui se créent. Au sujet de la vidéo, j’y suis opposé
car le football est un jeu dont le charme premier est la spontanéité.
– Des sportifs viennent-ils vous trouver pour se confesser?
Certains footballeurs viennent me voir à la fin des matches pour
s’excuser de leur attitude. Un ami dont j’avais béni l’union peu
auparavant m’avait demandé pardon pour son comportement qu’il avait
lui-même qualifié de honteux. C’est vrai qu’il était devenu
méconnaissable.
– Votre parcours a-t-il croisé celui du FC Bulle?
Bien entendu. Notamment lorsqu’un dimanche, à la suite d’un mariage que
je célébrais, j’ai dû me changer en quatrième vitesse dans ma voiture
pour venir arbitrer les Gruériens. Je me souviens également des belles
années du FC Bulle de Didi Andrey.
– Les joueurs ont-ils des attitudes différentes à votre égard lorsqu’ils ont connaissance de votre profession?
Le déroulement de la partie influence beaucoup le comportement des
protagonistes. Une équipe qui entrevoit la victoire me témoignera
peut-être plus de respect. Lorsque l’ombre de la défaite plane, tout
considération est oubliée. Les insultes fusent du terrain et surtout
des gradins: «Cochon de curé, va t’occuper des premiers communiants!
Retourne dans ta sacristie!»
Un prêtre ne devrait pas être partial, selon les joueurs, et si une
décision leur semble inappropriée, ils considéreront l’injustice
d’autant plus grande. Cela m’est arrivé d’entendre: «Je ne vous pensais
pas capable de ça. Vous me décevez.» Il faut apprendre à supporter ces
affronts.
Un bon passage de témoin
François-Xavier Amherdt propose avec son ouvrage Dieu est arbitre une
approche jeune et dynamique de la lecture de la Bible. De nombreuses
références aux événements qui ont marqué l’actualité du sport en
général et du ballon rond en particulier pimentent ce recueil de
méditations sur les saintes Ecritures. Ce choix s’est imposé de
lui-même pour le curé valaisan, arbitre de football et rédacteur très
actif au sein de l’Echo illustré, du Journal de Sierre, du Nouvelliste
et du Matin Dimanche: «De nombreuses personnes me disaient qu’elles
découpaient et classaient mes articles dans la presse. Je me suis dit
que de les réunir dans un livre leur permettrait d’avoir une vue
d’ensemble. J’espère ainsi rendre service.»
Le sport est une source d’inspiration que François-Xavier Amherdt aime
exploiter, notamment pour la richesse de ses paraboles. «Dans les
compétitions du stade, c’est souvent le dernier relayeur qui décide de
la victoire: vers lui se concentrent les regards, les espérances des
trois coureurs précédents. Ainsi le «relais trinitaire» trouve-t-il sa
pleine gloire dans le témoignage des hommes», peut-on lire à la page 52
de Dieu est arbitre.
Les messes de ses paroisses de Sainte-Croix et de Noës sont
régulièrement diffusées sur les ondes romandes. Le souci d’une
pastorale de proximité, ouverte à tous, est également omniprésent dans
les écrits du curé sierrois. «Avec ce livre, j’ai préféré aborder la
lecture de la Bible grâce à une thématique, au lieu d’employer
l’habituel calendrier religieux. L’approche s’en trouve facilitée.»
François-Xavier Amherdt, Dieu est arbitre, Editions Saint-Augustin, 2001